Mon corps, mon poids

Mon corps, mon poids, ma vision de moi-même

J’tannée.

Tannée de ne pas être satisfaite de mon corps, de mon poids.

De ne pas être capable de voir au-delà d’un chiffre sur une balance ou d’une grandeur sur une étiquette.

De côtoyer des gens qui passent des commentaires sur le poids, sur les vêtements qu’ils devraient porter ou pas. Je suis entourée de femmes et d’hommes qui ne peuvent s’empêcher de faire part de leur opinion sur la silhouette des autres.

On ne s’arrête pas à l’apparence d’une personne.

Antoine de Saint-Exupéry disait que l’essentiel est invisible pour les yeux.

Gerry Boulet disait qu’il fallait voir la vie avec les yeux du cœur.

Pourquoi personne ne le fait, alors? Pourquoi je peine moi-même à appliquer ces préceptes pourtant si véridiques?

Il y a près de 10 ans maintenant, j’ai entrepris un virage santé. J’ai fait un régime, j’ai intégré le sport à ma vie, je me suis découvert une vraie passion pour la nutrition et un mode de vie actif. J’ai perdu 25 livres en 1 année.

Le regard des gens a changé. J’ai développé une confiance en moi qui me manquait, j’ai commencé à me trouver jolie, à me trouver forte.

À penser que j’offrais la meilleure version de moi-même et surtout la seule version acceptable.

J’étais obsédée par cette nouvelle moi.

Mes mouvements étaient calculés, au même titre que mes portions. Je ne m’autorisais que bien peu de marge de manœuvre, je ne dérogeais pas de mes objectifs et je ne mettais l’accent que sur mon corps et surtout sur son apparence.

Est-ce que j’étais malheureuse?

Non, pas du tout.

J’étais fière, je me sentais puissante, en contrôle. On admirait mon endurance, mes efforts, ma nouvelle silhouette, ma détermination à faire tous ces changements.

Ça m’a amené beaucoup de positif.

J’ai pu porter du small ou une taille 6, donc avoir accès à une plus grande variété de vêtements dans mes boutiques et même mes friperies préférées. Je me suis découvert une vraie passion pour l’entraînement, au point où je suis devenue instructrice de Zumba et de PIYO (mélange de Pilates et de yoga). J’ai pu en apprendre plus sur la meilleure façon de me nourrir et vraiment m’intéresser à la provenance des aliments. Je me suis fait des amies auprès d’adeptes de l’entraînement.

Mais je dois le dire… ça m’a amené un peu de négatif aussi.

Je suis devenue un peu intense. Critique envers moi-même et les autres.

J’ai jugé les corps des autres, moi aussi. Je me disais que si moi, j’étais capable de changer, tout le monde le pouvait. J’ai maudit l’accès beaucoup trop facile aux boissons gazeuses, aux trop grands nombres de restaurants de junk food, aux aliments transformés. J’ai développé une relation d’amour-haine avec ma balance.

J’en faisais une véritable obsession.

Ça a duré près de 5 ans.

Jusqu’au jour où j’ai découvert l’écriture.

Ce jour où sur un coup de tête et sûrement un cri du cœur, je me suis mise à écrire des articles pour un blogue, avant de fonder le mien.

Ça a de nouveau détourné la ligne de ma vie.

J’ai commencé à faire un peu plus de place au temps passé devant mon ordinateur à écrire et à tasser tranquillement les cases horaires prévues pour l’entraînement. J’explorais un nouveau monde, une nouvelle passion. Je rencontrais des gens qui provenaient de tous les milieux, je me suis découvert un nouveau talent.

Je suis devenue obsédée par les mots, après l’avoir été par les chiffres.

Les calories ingérées ont laissé place aux commentaires générés par mes articles. Je m’abreuvais de mots, de lectures, d’événements et d’opportunités plutôt que de cardio, de body pump ou de course. Il y avait bien quelques notes de musiques latines qui continuaient de résonner de temps en temps, puisque j’ai conservé ce gagne-pain qui me permettait de bouger tout en étant payée. Un avantage non négligeable quand même.

Mais j’ai commencé à être invitée à découvrir de nouveaux restos, j’ai commencé à développer mon côté foodie, à vouloir en apprendre plus sur la cuisine, à concocter de nouveaux plats et me fixer de nouveaux objectifs. Je suis même devenue ambassadrice de la Maison Orphée, moi qui n’avais jamais aimé cuisiner.

J’ai recommencé à manger comme avant. Sans trop me soucier des calories, même si insidieusement la culpabilité s’invite toujours dans ma tête et mon assiette au point de parfois me faire feeler cheap de succomber. J’ai rangé ma balance. Pis quand je sors de chez le médecin (la seule qui me pèse maintenant), je me chicane de pleurer parce que je me rapproche de plus en plus du poids que j’avais avant.

J’ai recommencé à me trouver grosse. MÊME SI JE NE LE SUIS PAS.

Je combats depuis 5 ans un sentiment d’échec qui ne devrait pas être là. J’ai perdu 25 livres, j’en ai repris 15, dont 10 à cause de tout ce que j’ai vécu ICI.

Ce n’est pas grave. Ça ne devrait pas l’être.

Je suis plus qu’une fille de 5 pieds 6 qui pèse X livres. Je devrais même ne pas y accorder d’importance.

Est-ce que je suis en santé? Je pense que oui. Est-ce que ma condition physique est au top? Non, mais ce n’est pas si grave. Je suis en santé et je sais que lorsque je réussirai à m’y remettre pour de bon, ça va s’améliorer.

Grosse, mince, maigre, enrobée, en chair, potelée, proportionnelle à mon poids. J’tannée de ces mots qui veulent tout et rien dire à la fois.

J’tannée des commentaires.

J’tannée qu’on me dise « Ouais, tu dois avoir pris du poids depuis ton accident ou depuis que tu ne t’entraînes plus comme avant »

Oui, j’en ai pris. Ça se voit, non? Je le sais, je me regarde tous les jours dans le miroir.

Ouin, pis?

Y’a déjà assez de moi qui se prend la tête avec ça. Je n’ai pas besoin qu’on me le fasse remarquer.

La vision que j’ai de mon corps, ça ne te regarde pas.

C’est mon combat.

Et si je me trouve grosse toute ma vie, c’est mon problème.

Que je le sois ou non.

Jennifer Martin
Jeneviève Brassard

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