La babine anxieuse

La babine anxieuse

Tu voudrais m’embrasser, j’peux le sentir dans ton regard qui refuse de se détourner. Je redoute le moment où je vais devoir te dire que mon pire scénario d’épouvante, c’est que tu cesses d’hésiter. Je préfèrerais qu’tu n’oses pas, mais j’sais ben qu’tu vas t’essayer après une demi-heure à te demander si c’est le bon moment pour essayer d’me licher la face. Je sais qu’tu vas comprendre si j’te dis que j’préfère pas.

La vérité, ce n’est pas que je suis contre l’idée; c’est que j’ai la babine anxieuse. C’pas toi, c’est vraiment moi.

J’ai peur des premiers baisers et de tout ce qu’ils promettent. J’ai peur de regretter ceux qui s’effacent et ceux qui s’imprègnent. Y’a certaines personnes qu’on est pressés de ne plus sentir se presser contre nos lèvres, d’autres qu’on aurait souhaité goûter plus longtemps. Je vais devoir recommencer les étapes que j’ai déjà franchies auparavant et redessiner des souvenirs que je retiens, les lèvres serrées, comme si je les tenais fermement de mes poings serrés, de mes jointures devenues blanches. J’suis anxieuse et je ne lâche pas prise facilement.

Plus tu vas me toucher, plus les autres ne vont devenir que des vagues souvenirs. J’peux voir aux commissures de tes lèvres toutes les promesses que j’pas sûre de pouvoir te rendre. J’peux te voir m’imaginer ouvrir la bouche pis la porte vers un futur en même temps. Tu caresses mes cheveux comme si chaque mèche était une opportunité d’me faire comprendre que j’ai pantoute raison d’avoir peur, qu’t’es là pour m’aimer. Je sais que j’tiens beaucoup trop fort des vieilles étreintes comme si c’était des doudous pis j’sais que j’protège des empreintes qui n’existent plus, qui ne veulent plus faire de la peinture à doigt sur ma peau-canevas.

Les gens sont toujours pressés de s’étreindre, d’assouvir leur désir, de se consumer. On s’enlace jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien, jusqu’à ce qu’on s’épuise. Moi, j’aimerais que t’embrasser fasse miroiter qu’on voudra pu jamais se lâcher, que jamais la pensée de ces mêmes baisers m’feront un jour brailler.

Si tu peux me promettre ça, j’veux bien t’embrasser.

 

dominique-signature

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *