Tu partages ton corps

Je côtoie le cancer depuis mon enfance. En fait, depuis toujours. Principalement parce que mon père se bat depuis une vingtaine d’années contre ce tueur interne. Aussi, parce que j’ai perdu beaucoup de proches qui ont succombé à leur combat. La maladie n’atteint pas uniquement la personne qui l’habite, mais bien toutes les personnes qui l’entourent. Mon père a maintenant 51 ans et il n’est pas fort. C’est depuis mon adolescence que je me prépare au moment où mon père ne sera plus là. J’ai la chance d’avoir un papa qui se bat et qui désire être là pour ses deux enfants. J’ai 29 années de souvenirs avec mon père, certains noircis par la maladie, mais j’ai des souvenirs ! Le cancer fait partie intégrante de ma vie. Chaque appel de ma mère me fige le sang, chaque rendez-vous médical de mon père est stressant, chaque journée de travail qu’il fait, me fait paniquer et à chaque fois que je vois mon père dormir, j’ai peur qu’il ne se réveille pas. Je vis dans un stress continu, est-ce qu’il le sait? Non, je tente de le cacher, de lui offrir une fille souriante qui l’aime et qui est contente de passer du temps avec lui. Malgré des décisions que je n’approuve pas toujours, je tente de le soutenir du mieux que je peux. Je l’écoute quand il m’en parle, ce qui arrive très peu et qui est très récent.

Parfois, j’ai envie de hurler pour me libérer de toute la douleur qui est logée en moi, mais je n’y arrive pas. J’ai peur. Peur qu’un jour, je compose le numéro de mon père pour lui demander si je peux lui emprunter des outils ou lui demander conseil, pour ensuite me rendre compte qu’il n’est plus là. J’ai peur qu’il parte sans que je puisse lui dire au revoir. J’ai peur de ne pas réussir à me remettre de son départ, même si je m’y prépare depuis toute ma vie. J’ai peur de l’oublier… La maladie change une personne. Mon père a beaucoup changé, ce n’est pas le même homme d’il y a plusieurs années. Sa douleur transparait dans ses paroles, dans son attitude, dans ses gestes et dans son regard. Malgré ce pénible malheur, je suis chanceuse de l’avoir encore près de moi. Il se bat depuis tellement d’années que j’ai l’impression qu’il est immortel, que c’est temporaire et que sa maladie n’est que superficielle. J’ai plein d’amis autour de moi qui ont perdu mère ou père. Je comprends leur douleur, mais différemment. Moi, il est toujours là. Eux, ils sont partis rapidement. Je les regarde et je me dis que ce sera moi lorsque la maladie de mon père aura pris le dessus. Je partage leur souffrance en me disant que je vais passer par là. Mais la vie m’offre à chaque jour une journée de plus avec lui. Malgré ce que la médecine dit ou fait, il est là.

Il y a tant de mots à dire entourant le cancer et malheureusement, aucun mot ne peut retirer toute la douleur que l’on vit lorsque l’on est sur le point de perdre un être cher, lorsqu’il est parti ou lorsque le cancer nous habite. Je souhaite uniquement que tout l’amour que nous avons, ma famille et moi, va panser nos blessures et nous aider à garder mon père dans nos cœurs pour toujours. Je souhaite qu’il soit avec nous encore longtemps pour voir nos vies évoluer et qu’il puisse vivre les moments magiques que nous vivrons. Je me suis préparée durant toute ma vie à son départ, lui aussi. Je sais qu’il est fatigué, qu’il est prêt à partir. Malgré le fait que je respecte sa décision, celle d’arrêter ses soins, j’ai peur. J’ai peur de son absence. J’ai peur de la douleur que j’aurai. J’ai peur de ne jamais me remettre de son départ. J’ai peur de voir ma famille souffrir. J’ai peur depuis toujours et encore plus aujourd’hui. Le cancer l’a envahi encore plus depuis plusieurs mois et il n’arrête plus de se propager. Le cancer, c’est le mal. Un mal qu’on ne peut dompter, suivre ou contrôler. Le cancer fait à sa tête, seul l’espoir est de notre côté. Mon espoir à moi, c’est que mon père ait eu une belle vie, qu’il soit fier de ce qu’il a accompli. J’aimerais que mon père soit fier de moi, qu’il sache que je l’aime et qu’il m’a offert la plus belle vie. Il m’a donné l’amour que j’avais besoin et plus encore. Je veux qu’il parte la tête en paix. Je sais qu’il est fatigué, je sais qu’il souffre, je sais qu’il a peur. C’est son combat et il est le seul à décider lorsqu’il sera prêt à se retirer.

Dîtes “je t’aime” à vos parents et à tous les gens que vous aimez. On ne le dit jamais assez, faites-le à chaque fois que vous le pouvez ! Laissez de côté les rancunes et la haine, parce que dans le fond, il n’y a que l’amour qui compte !

Je vous laisse avec cette magnifique chanson de Marilou qu’elle a écrit pour sa mère qui cohabitait avec un cancer.

 

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2 Comments

  • Marie Eve Poulin

    Pour l’article, je connais le feeling de vouloir téléphoner et qu’il n’y ait plus de service au numéro composé. Je connais le feeling d’avoir besoin de lui et de devoir me souvenir qu’il est parti… Vis chaque moment et continue de déposer dans ta banque de souvenirs.

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