Je me maquille parce que j’aime ça. Je le fais parce que c’est un art et une passion pour moi, mais aussi pour me faire moins cruiser, pour qu’on me laisse tranquille.
Ça a l’air weird, hein?
Au fil du temps, j’ai remarqué que je me fais toujours catcall ou cruiser lorsque je porte mon pyjama en public ou du linge mou, les cheveux en bataille, pas maquillée et l’air fatigué. Je trouve ça étrange car, à l’inverse, lorsque je suis habillée de manière plus stéréotypée féminine, avec de beaux vêtements, les cheveux doux dans le vent, des talons hauts et une belle bouche bien rouge, jamais je ne me fais aborder par des creeps dans la rue ou à l’école.
Je crois que ça a quelque chose à voir avec le fait que, dans le premier cas, j’ai l’air plus faible, plus fragile, et je pense que les catcall sont à interpréter avant tout comme une démonstration de pouvoir et de domination. Qui plus est, je pense que lorsque je suis habillée en linge mou, sans maquillage, j’ai l’air plus accessible, je suis une regular girl, une girl next door. Quand je mets des vêtements plus statement et que je me maquille, surtout avec des couleurs foncées et des traits pleins d’assurance, je deviens immédiatement moins facile d’approche. Même si je porte des vêtements plus sexy, je me fais vraiment moins aborder qu’en pyjama. Pourquoi? Parce que je pense que, de façon générale, même si tu rejoins les fantasmes masculins, ces fantasmes en eux-mêmes sont par définition inaccessibles dans leur perfection. Peut-être que ça a aussi un peu à voir avec le fait que le maquillage est un monde encore largement incompris par la majorité des hommes cis et hétéros et donc, qu’ ils sont intimidés ou tenus à distance parce qu’ils ne comprennent pas.
Me maquiller est ainsi devenu une pratique subversive: c’était, à l’origine, une manière pour nous, les femmes, de dompter notre apparence afin de plaire aux hommes. Mais on peut aussi bien en faire une armure pour les tenir à l’écart, les rendre insécures, à quelque part, pour qu’ils n’osent plus envahir notre espace. Je ne me sens pas moins belle sans maquillage. Mais, maudit que j’ai la paix quand je me grime, ne serait-ce qu’un peu.
Texte par Roxane Noël