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La théorie de la tinque vide

Être célibataire à 30 ans, ça veut dire avoir beaucoup de temps libre et bien peu de responsabilités si on compare au commun des mortels. Je suis toujours libre de faire exactement ce que je veux au moment où je le veux. Ça veut aussi dire que j’ai beaucoup de temps pour prendre soin des gens, pour être là quand ils en ont besoin, quand ils le demandent et quand ils ne le demandent pas.

À force, je suis devenue comme une voyante qui peut lire dans les pensées ; je sais quand être présente et quand me retirer. Ceci dit, ce genre d’opportunité ne vient pas sans son lot de découvertes, tantôt bienfaitrices, tantôt décevantes… Comme se rendre compte qu’on vient de vider sa tinque affective et qu’on n’a nulle part où faire le plein.

La théorie de la tinque vide, ça part de choses toutes simples : des moments passés à remonter le moral d’amis tristes, une soirée à manifester notre intérêt pour quelqu’un qui n’est pas intéressé, des mois à investir dans une relation qui n’en vaut pas la peine, name it. En fin de compte, il se peut que la tinque se soit vidée à force de donner de l’affection et qu’on ne trouve pas où la remplir.

Le principe de base, c’est qu’on devrait s’entourer de gens qui se servent dans la tinque (c’est le mot clé) autant qu’ils participent à la remplir. Que ce soit en simultané ou en alternance, avec de grands gestes ou des petites attentions, les bons amis sont ceux qui donnent de l’affection autant qu’ils en demandent.

La théorie de la tinque vide se complique lorsqu’on rencontre quelqu’un qui se sert comme si c’était un bar open en laissant un tip de crève-faim (quand il en laisse). Une personne comme ça, ça déséquilibre toute la patente. On commence alors à essayer de remplir notre tinque auprès des autres, les plus généreux, pour pouvoir mieux redonner à cet alcoolique de l’affectivité. On se dit que cette personne est brisée, que ce n’est pas de sa faute si sa propre tinque a une fuite et qu’il ne lui en reste jamais pour redonner. On s’évertue à la lui remplir en faisant des va-et-vient systématiques auprès de ceux qui nous aiment pour leur prendre du jus, mais sans le leur redonner à eux. Plus le temps passe, plus les gens deviennent réticents à remplir notre tinque parce qu’à la fin, ça ne leur revient jamais. Graduellement, ça devient beaucoup plus laborieux de faire le plein et on devient fatigué, physiquement et mentalement.

Le plus important là-dedans, c’est que c’est la même tinque qui sert à nous alimenter nous-mêmes en amour propre. Inutile de dire que quand tout son contenu s’en va pour alimenter quelqu’un qui ne cotise pas sur le remplissage, on commence rapidement à ne plus avoir de jus pour s’aimer soi-même. Quand on n’arrive plus à s’aimer assez, même un tout petit peu, l’érosion engendrée par l’air dans le moteur crée une usure qui peut facilement devenir une fuite majeure. On devient alors paranoïaque et on se met à protéger nos gouttes d’affectivité comme si la fin du monde était à nos portes. Vous voyez comment tout cela devient facilement un cercle vicieux.

Bref, de la théorie de la tinque vide, on retient quatre choses :

  1. Il faut savoir reconnaître les gens qui alimentent notre tinque et savoir leur rendre la pareille.
  2. Il faut apprendre à ne pas laisser déborder notre tinque. Quelqu’un qui accumule sans donner ou qui reçoit trop sans partager, à un moment donné, il faut que ça sorte… et ce n’est jamais très joli. (Tout est dans l’équilibre.)
  3. Il faut apprendre à repérer les voleurs qui viennent siphonner notre tinque clandestinement et s’arranger pour ne pas qu’ils y aient accès.
  4. Il faut pouvoir faire du troubleshooting sur soi et faire colmater les fuites… Il existe des mécanos de l’affectivité qui peuvent aider à faire cette job-là. (*toux de psychologue*)

À noter qu’on n’est jamais réellement seul quand on a des amis qui nous font assez confiance pour transvider l’entièreté de leur tinque dans la nôtre quand on est en état d’urgence. Ces gens-là savent qu’on fera pareil quand ce sera leur tour d’avoir beaucoup de millage affectif à faire. Sachez reconnaître les « transvideurs » et chérissez-les, ce sont des amis précieux…

 

Texte par Claudie Saulnier de No filter stratégie

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