Mon petit frère

Je ne sais pas pourquoi cette idée de texte m’est venue, mais j’avais envie de parler de lui, celui que j’appelle mon petit frère depuis le 22 août 1989. À sa naissance, ma vie a totalement changé. Pour une raison qui m’est inconnue, une raison que je n’arrive pas à décrire, ce petit être est devenu une personne pour laquelle mon amour inconditionnel s’est rapidement transformé en priorité. C’était MON petit frère, le mien, et je refusais presque d’autres personnes que mes parents ou moi le prennent dans leurs bras. J’étais possessive, il était comme mon petit bébé. Je crois même que ma mère m’a dit que j’avais pleuré lorsqu’elle m’avait dit qu’il grandirait et qu’il ne resterait pas un bébé pour toujours. Ma première grosse peine, j’imagine. Bref. Il a grandi et on a commencé à jouer ensemble. Mais lorsque j’ai débuté la maternelle et que je me suis fait des amies, mon petit frère, eh bien, il commençait à être collant et moins intéressant. Pauvre petit garçon de 4 ans. Puis, il est venu le temps où j’avais le droit d’aller jouer dans la ruelle, vers l’âge de 7 ans, mais selon les règles super strictes de mon père. Une d’entre elles était que je devais amener mon frère avec moi et l’intégrer aux jeux. Sinon, pas le droit de sortir ! À partir de là, j’ai commencé à moins aimer avoir un petit frère, malgré qu’il était si cute (je m’en rends compte aujourd’hui en regardant les photos). On a continué de vieillir, mais aussi de se détester, de s’engueuler et de se battre. Comme la majorité des frères et sœurs, notre relation était rocambolesque. Par contre, on était toujours prêts à faire équipe quand venait le moment de demander quelque chose à nos parents.

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À l’adolescence, on avait plusieurs amis en commun, ce qui faisait en sorte qu’on était pas mal toujours ensemble. La règle du ‘’traîne ton frère’’ avait changé, mais était encore là par défaut puisqu’on avait la même heure de couvre-feu et qu’on rentrait ensemble. On a toutefois vécu nos histoires d’ados chacun de notre côté. Mon père nous criait dessus parce qu’il en avait marre de nous entendre nous insulter. Dans ma tête de fille de 16 ans, mon frère et moi, jamais on ne serait proches comme quand on était petits et qu’on s’amusait dans des boîtes de carton. À cette époque, je m’en foutais puisqu’il me faisait royalement chier.

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Puis, je me suis rendu compte que ça me grugeait, que j’avais du mal à accepter ses agissements. En essayant de comprendre ou de lui forcer la main, je crois que ça a empiré. Par contre, j’étais si fière de lui lorsqu’il a repris ses études, qu’il a débuté comme mécanicien, j’adore sa blonde, etc. Lorsqu’on a fait notre premier voyage dans le Sud, j’ai dû lui offrir quelque chose en échange de quelques photos potables avec lui. Notre entente était d’essayer de s’endurer pendant toute la semaine. Je garde quand même de très bons souvenirs. Quand on prenait le temps de parler, surtout mon père, j’avais l’impression qu’on agissait en adultes et que nous avions une relation. Remarque que je ne blâme pas mon frère. Oui, il a été difficile avec moi, mais il a sûrement ses raisons. Je n’ai jamais été une adolescente facile à vivre. L’important c’est qu’aujourd’hui, c’est différent.

La vingtaine m’est rentrée dans le corps. Je suis partie en appartement. Ma mère me donnait les grandes lignes de la vie de mon frère, sans plus. Lorsque j’allais souper chez mes parents, on s’engueulait toujours autant. Des fois avec une méchanceté que je ne peux expliquer. J’ai souvent essayé de savoir pourquoi il était aussi froid et agressif avec moi. Je n’ai compris qu’il y a quelques années.

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En 2011, je me suis séparée et j’ai dû déménager. Il m’a aidé. J’ai déménagé trois fois après cela et il était toujours présent. Mon père étant malade, on s’est entendus pour faire des efforts en sa présence. Le high five remplace les becs sur les joues, c’est notre truc! Je suis en couple depuis deux ans, je suis heureuse et je sais que mon frère est content. De son côté, il a sa blonde, sa maison et son chien. Ils vivent des hauts et des bas de temps en temps, tout comme moi, mais je sais que je peux compter sur lui et j’espère qu’il sait qu’il peut compter sur moi ( ou qu’il peut en faire autant). Il ne me parle pas beaucoup, mais je sais qu’il apprécie que je les supporte et les aime.

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Aujourd’hui, j’ai conscience que mon frère a une personnalité propre à lui. Il est froid, oui, mais aussi sensible et doux et il aime sa famille. Je sais que je n’aurai jamais de câlins de sa part, mais notre petite tape dans la main me convient. Mon frère m’appelle et m’invite parfois à aller souper chez lui. Quand je vais au garage où il travaille, il ne m’insulte pas, on se salue et on se sourit. Ce que je pensais impossible il y a plusieurs années est pourtant bien réel depuis quelque temps. On ne sera jamais proches au point de s’écrire ou se téléphoner chaque jour, mais je sais qu’on sera toujours là l’un pour l’autre, peu importe les circonstances. J’ai arrêté de vouloir plus, je me contente de ces moments et de ses marques d’affection. J’ai appris à décoder mon frère et depuis, j’ai fait la paix avec nos désaccords, ses sacres de trop, ses tapes derrière la tête, ses jugements gratuits, etc. Pour moi, l’avoir dans ma vie c’est tout ce qui compte.

Je sais par contre que l’avenir sera beau, en partie parce que je connais mieux mon petit frère et que je l’aime autant que lors de la première fois où ma mère l’a déposé dans mes bras. Je serai toujours sa grande sœur protectrice qui envoie promener les petits gars de la ruelle qui lancent des céleris dans la fenêtre de sa chambre.

 

karine-signature-02 etampe karianne

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