Ce n’était pas la première fois que ça m’arrivait. Le sentiment de vide intense dans la poitrine. L’impression que je respire mal, que je n’ai plus aucun repère. Avoir les yeux grands ouverts, mais ne rien voir clair. Souvent, je me force à me rendormir, je me mets en boule et pleure un coup. Mais là, c’était différent. J’avais une boule dans la gorge et rien ne la faisait passer.
Je me suis levée. J’ai pris mes médicaments. J’ai brossé mes dents. J’ai nourri mon chat. Je me suis retrouvée face à mon miroir. Je me suis regardée de la tête aux pieds. Plusieurs fois. Mon souffle était rapide. Mes yeux se sont remplis d’eau. Les larmes ont commencé à habiter mes joues. Le vide avait envahi mes yeux, mon regard. Je ne savais pas ce qui se passait dans mon corps, dans ma tête, dans mon cœur. Mais je souffrais. Beaucoup. Immensément. Sans comprendre la source.
Je me suis habillée avec mon short fripé, la première chose que j’ai vue. J’ai mis des chaussures et j’ai descendu les escaliers de mon appartement. Il faisait chaud. Encore. Je me suis assise dans ma voiture, j’ai ouvert l’air climatisé au bout. Le miroir du rétroviseur m’a encore montré le vide profond de mon regard. J’ai ouvert mon cellulaire, je n’ai pas regardé mes messages, les notifications, rien. J’ai juste posté une photo sur le Instagram du blogue, parce que c’était à mon tour de le faire. Responsabilité oblige. J’ai regardé les films à l’affiche et je me suis dirigé vers le cinéma Guzzo à côté de chez moi. « Un billet pour le film 1991 s’il vous plaît. » Billet à la main, je me suis pris un café et je suis allée m’asseoir dans la salle. J’étais seule dans l’immense salle. J’étais seule comme le sentiment que j’éprouvais au plus profond de mon être.
Le film était bon. Mais ça, c’est un autre sujet. Je suis sortie de la salle, le cœur immense, immense de je ne sais quelles émotions. J’avais mal. Partout. Je me suis assise dans ma voiture. J’ai démarré et j’ai juste roulé. La musique de la radio, les deux mains sur le volant, sans trop savoir où je m’en allais comme ça.
Le regard sur la route, sur le ciel bleu du mois d’août. Les arbres. Les couleurs. Rouler, juste rouler. Dans ma tête, il ne se passait rien. Mais dans mon ventre, les papillons ne cessaient de me rappeler que quelque chose n’allait pas. J’aurais aimé savoir quoi pour me sentir mieux. Mais c’était là et je n’avais aucun contrôle. J’ai commencé à penser à mon enfance, au passé, au présent, à mes rêves, à un peu n’importe quoi. Mais principalement à du beau. Je changeais de poste presque après chaque chanson pour skiper les animateurs qui jasent. Des vieilles chansons m’ont fait sourire, m’ont fait chanter à tue-tête et c’est là que j’ai regardé devant moi et que je me suis dit à quel point c’était beau. À quel point à ce moment précis je me sentais bien, libre et humaine. Juste de rouler comme ça, sans but, sans responsabilité, sans obligation, juste à penser à moi.
C’est là que la grosse boule qui était coincée a pris le bord. On était rendu 1h30 plus tard. J’étais rendue loin, mais je m’en foutais. J’avais le cœur libéré et l’âme en paix. J’ai fait demi-tour, je suis allée faire mon épicerie et je suis rentrée pour écrire ce texte.