Il est surprenant de constater à quelle point une simple phrase introduite dans une conversation peut enclencher une réflexion soudaine et intéressante. Il y a quelques années, une amie m’avait suggéré de regarder le profil Facebook d’une de ses connaissances, pensant qu’elle pouvait (peut-être) être un bon parti pour moi. Après consultation, elle m’avait demandé ce que je j’en pensais. Je lui avais répondu simplement qu’elle ne correspondait pas à ce qui pouvait m’intéresser.
Aussitôt, mon amie me dit Comment peux-tu te faire à l’idée aussi rapidement, en ne te fiant qu’à une simple photo? Elle avait bien raison. Pourquoi porte-t-on si rapidement un jugement sans même tenter sa chance d’aller un peu plus loin dans le processus? C’est alors que je sortis une réplique à laquelle je ne m’attendais pas: Lorsque tu veux acheter une pomme au supermarché, choisis-tu la première qui tombe sous tes yeux? Je savais qu’à ce moment précis, j’avais touché un point qui méritait toute mon attention, parce que j’avais l’impression que ma réplique méritait une réflexion beaucoup plus approfondie.
Il est vrai que lorsqu’on se retrouve dans un supermarché, on ne choisit pas nécessairement la première pomme que l’on voit. On tend à choisir la plus belle parmi le lot au lieu d’en prendre une endommagée, on achète une viande qui nous semble plus tendre et fraîche qu’une autre, etc. Autrement dit, on fait une sélection naturelle entre ce qui nous plaît et ce qui nous plaît moins. Alors cette constatation m’apporte à me poser cette autre question: Si nous exerçons une sélection naturelle pour tout, pourquoi dénonce-t-on ce même type de comportement lorsque vient le temps de choisir notre futur partenaire? Pourquoi devrions-nous s’interdire d’agir de la sorte alors qu’en réalité, partager sa vie avec une autre personne est loin d’être banal et mérite une sélection plus pointilleuse et consciencieuse? Mieux encore, pourquoi dénonçons chez les autres ce que nous appliquons dans notre propre vie?
Bon, ok. Vous vous dites peut-être qu’aucune similitude doit être faite entre choisir un partenaire et une pomme. Je vous l’accorde. Mais si on prend quelques secondes pour se choisir une belle pomme fraîche et juteuse que l’on consommera en seulement quelques minutes, ne serait-il pas logique de consacrer plus sérieusement notre temps à choisir une personne que l’on voudra laisser entrer dans notre intimité pour le plus longtemps possible? On jase là…
Je suis le premier à l’admettre, je le fais moi aussi quand je suis célibataire. Je trie, je rejette, j’ignore ou j’idolâtre comme bon me semble et ce, presque instinctivement. Devrions-nous nous sentir coupable en agissant ainsi? Je ne crois pas. Est-ce navrant de voir à quel point ce comportement humain connaît une croissance exponentielle depuis l’arrivée du web? Certainement. On doit se rendre à l’évidence que le phénomène du Tindering est là pour rester, alors aussi bien ajuster notre liste d’épicerie en conséquence.
Tiens, une pomme. Seriez-vous intéressés à la prendre? Moi, je passe mon tour. Je choisirai plutôt celle qui me fait de l’oeil.