Self-prison

Self-prison, self-poison

Mi-août, un des derniers samedis d’été ensoleillé

Étendue sur mon lit, cellulaire à la main, le regard empli de déni.

2 heures de l’après-midi pis j’suis pas encore sortie.

Les rideaux sont fermés, la lumière peut pas entrer.

Notification Facebook.

L’horaire de job est publié ; enfin, j’commençais à m’emmerder.

Mon doigt fait défiler l’écran, jusqu’à ce que je vois mon nom, finalement :

rien dimanche, ni lundi ni mardi… rien jusqu’à la fin.

Congé, ça a l’air, pendant 7 jours ; j’me demande bien c’que j’vais faire.

Pas de shift de la semaine, j’commence à avoir une migraine.

Comment j’vais payer mon loyer, me procurer un peu de plaisir, réparer ma santé?

Pis à force de penser, penser, penser, j’ai de moins en moins d’idées.

Mes colocs sont pas là depuis le début de l’été pis j’en ai pas assez profité.

Septembre approche à grands pas, pis j’rumine encore chez moi.

J’me sens toute petite dans l’appartement ;

les pièces sont vides, même quand j’suis dedans.

J’ai bu la veille pis l’avant-veille, on dirait qu’y’a plus rien de pareil.

J’rêve de l’éveil, mais encore, j’sommeille.

Les vacances, j’les ai idéalisées durant des mois entiers.

L’automne dernier, l’école était même pas commencée que j’avais déjà envie d’avoir terminé.

Devoirs, devoirs, devoirs, j’bûchais comme une folle pis j’en avais ras le bol.

J’avais le goût de tout faire, sauf d’aller à l’école ; j’avais d’la misère.

La motivation était partie, ça faisait longtemps pis j’avais l’impression

qu’à l’arrivée de la chaude saison, y’aurait réapparition.

Mais apparemment que non.

Depuis des mois, j’avance pas.

Invisible, la voiture dans laquelle j’étais.

Sur le neutre, je stagnais.

Tout ce qui me restait, c’tait l’écriture.

Mais même écrire, ça me semblait difficile à accomplir.

S’asseoir, penser encore, agiter mes doigts sur le clavier ; fallait du vouloir.

J’avais beau regarder un peu dehors, j’me sentais mieux dans le noir.

Ahhh zone de confort et d’inconforts!

Les murs de ma chambre semblaient difficiles à franchir, qu’en était-il de mon avenir?

Avant, revenir chez moi, c’tait réconfortant.

Mais maintenant, rien de l’extérieur me semble attrayant.

Ni même à l’intérieur. J’roule dans le beurre.

J’me levais pour aller pisser, boire, manger un peu, pis j’retournais m’coucher.

J’pensais à ce que j’aurais voulu faire de mon été.

Sortir, me faire bronzer, travailler, aller voir des shows,

voyager un peu peut-être, écrire, prendre des photos…

J’suis sortie quelques soirs, mais pour aller boire.

Bronzer… j’ai ma réponse en regardant la pâleur de mes jambes allongées.

J’ai travaillé, mais pas assez.

Pis les seuls shows que j’ai vus, c’est Netflixqui me les a parvenus.

Marcher jusqu’au salon, ça compte-tu comme voyager?

J’ai écrit, oui, ma liste d’épicerie.

Pis on m’a écrit des phrases sur les bras pour la vie.

Sinon, photographier mon reflet dans l’ombre, ça compte-tu aussi?

Soudainement, ça me manque, la routine d’étudiant.

J’ai besoin d’un horaire pour voir clair, mais pas trop.

J’voudrais rester dans mes couvertures, au chaud.

Mais j’sais que ça n’a plus de bon sens, que j’dois m’y mettre maintenant.

La crasse s’accumule, pis pas juste chez nous ; je fais scrupule de ma propre bulle.

Doux spiritueux, vous êtes désormais omniprésents, mais surtout, odieux.

Nicotine, j’ai peur que tu deviennes routine.

Sentiments, j’aimerais que vous restiez loin encore longtemps.

J’ai beau l’empêcher, mais j’ai le motton qui veut toujours se pointer.

Mon cœur se fane, mes poumons s’affaissent, ma tête se tanne.

Ma fleur manque d’eau, ou peut-être qu’elle en a trop…

Absence de beau ou surplus de fardeaux?

Ma sève est vodka, gin ou je ne sais pas.

Mon liquide est poison, mon corps est prison.

Crédit photo de couverture : Annabelle Légaré

Annabelle Légaré
Jeneviève Brassard

One Comment

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *