Putain de cancer

Putain de maladie

Putain de maladie, putain de cancer, tu m’as jeté à terre. Le docteur t’annonce cette maladie comme si tu avais simplement la varicelle. Son discours est préenregistré, ses paroles sont vagues, car il n’a pas toutes les réponses pour le moment. Toi tu t’accroches à ton siège et tu essaies de ne pas tomber droit devant pour ne pas aggraver ton cas.

Le temps s’arrête, tu oublies même la lourdeur de la salle car tu pars ailleurs, un rêve, une illusion, une erreur médicale ? En ouvrant les yeux, la nouvelle est vraie, tellement vraie que tu te réveilles dans un lit, pas le tien, mais celui de ta chambre qui se nomme #15. Maintenant les gens te reconnaissent par ton étage, ton numéro de chambre et par ta maladie. Ton nom est disparu, il fait maintenant partie de la liste des donneurs pour pouvoir guérir d’autres personnes dans un futur qui s’annonce dans les prochains mois.

Tu es maintenant au stade 4, une roulette russe, le temps est devenu ton ennemi ? Il y a quelques temps, tu étais seulement à la case départ, mais les dés se sont brassés si vite que tu es bientôt rendue à la finale. Tu aurais souhaité jouer à Serpents et échelles et pouvoir redescendre à la case départ, mais la malchance t’a permis de te rendre à la fin plus vite que tu aurais pensé. Même si tu détestes les jeux de dés, la vie t’a permis d’y jouer pour une dernière fois, mais tu n’aurais jamais cru qu’elle te mènerait à une course contre la mort.

Tu n’es pas prête à voir les gens pleurer autour de toi pendant que tu seras en train de respirer tes dernières minutes de vie. Ouf, ça fait déjà mal quand tu y penses. La morphine est devenue ta nouvelle dépendance. Un antidouleur si puissant que, pendant quelques heures, tu te sens comme neuve. La vie est plus sereine, tu es dans les vapes, tu souris aux infirmières, tu dragues les jeunes docteurs, tu imagines un futur lorsque tu sortiras de la chambre #15, tout es si beau. Cette injection est si puissante qu’elle te force à dormir des heures. Tu rêves à ton passé, c’est la seule chose qu’il te reste à imaginer. Ensuite, tu vivras le deuil de quitter cette vie, tu essayeras de quitter dans la sérénité, tu t’imagines être bien ailleurs, devenir une âme qui fera le bien dans plusieurs corps étrangers. Tu te permets de rêver à ton futur qui se jouera dans la transparence et le silence. En te réveillant, tu souris presque car tu es bien, tu sais que tu apprivoises tranquillement ton deuil. Qu’il te reste le temps d’un film, le temps d’une émission, le temps d’une chanson.

Comme prévu, les gens pleuraient autour de moi, une chorale de reniflements, ils faisaient pitié, j’aurais voulu leur dire de sourire, j’aurais voulu les prendre dans mes bras, mais j’étais trop faible pour dire quoi ce soit. La machine à côté de moi chantait moins fort, le bip était moins régulier. De mon côté, je sentais mon cœur s’éteindre tranquillement, les fils qui me gardaient en vie n’étaient plus branchés à mon corps ni à la machine. Je sentais le mal disparaître, il sortait de partout, de chacune des extrémités de mon corps. Mon corps ne ressentait plus aucune souffrance, il était libre de disparaître.

J’étais guérie de cette maladie, mais elle restera toujours un putain de cancer !

Cynthia Martin
Sophia Bédard

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