Journal d'une subordonnée

Le journal d’une subordonnée – 14 août 2020

Juillet 2012

Je parle à ma technicienne en pose d’ongles comme quoi je rêve de faire carrière en cinéma et que j’ai tellement hâte de commencer mon programme en cinéma et communication au cégep. Elle me dit que son frère est acteur, producteur et réalisateur et qu’elle peut me mettre en contact avec lui. Je jubile, j’ai 17 ans et j’ai déjà mon premier contact.

Notre première rencontre se déroule très bien et il se dit impressionné par mes connaissances dans le domaine, n’ayant que 17 ans.

Aout 2012

Il me signe avec sa compagnie pour un « stage ». Ma première tâche? Traduire un scénario de 250 pages du français à l’anglais gratuitement. Je n’ai jamais eu de remerciements de sa part et étant mon « mentor », il trouvait cela acceptable d’arriver 50 minutes en retard à nos réunions. Je ne dis rien, car je suis seulement l’apprentie.

Octobre 2012

Il démarre un nouveau projet de type Ghostbusters et me dit que je dois assister à toutes les réunions de production. Je suis emballée, mais aussi débordée à cause de l’école et de mon emploi, mais il me dit que je n’ai pas le choix d’y assister. J’habite dans les Laurentides et tous les mercredis soirs, je dois prendre le métro pour aller aux réunions de 20 h à 23 h à Montréal.

Juin 2013

Il est accepté dans le programme Actor’s studio en Californie. Sa soirée de départ fut la dernière fois que nous nous sommes vus. Pendant qu’il est là-bas, il me vend du rêve en me disant qu’il a rencontré plein de producteurs et qu’il va pouvoir transmettre mes scénarios. J’ai 18 ans, je crois tout ce qu’on me dit. Il en profite même pour m’inviter à sortir, il a 42 ans et moi 18.

Juillet 2013

C’est là que tout commence. Si je ne réponds pas à ses courriels à la seconde près, il explose. Chaque fois que je vois une notification de lui, mon estomac se noue, car je sais qu’il va me sortir des méchancetés. Il se moque de moi, se moque de ma manière d’écrire un scénario et critique mon anglais qui était mieux que le sien. Il se lance des fleurs en disant que je devrais le remercier de m’avoir donné « cette chance incroyable ». Autant qu’il dit que je suis comme sa petite sœur, autant qu’il me rabaisse et m’insulte. Il est up and down.

Aout 2013

Il dit vouloir écrire un scénario avec moi, que je vais lui donner les idées et qu’il va scénariser. Il continue de me rabaisser sans cesse, s’inspire grandement d’une de mes idées pour un de ses projets et se moque de moi lorsque je lui en parle. Je suis de plus en plus anxieuse vis-à-vis de lui et il me rend très mal à l’aise.

Octobre 2013

Je le questionne sur le scénario qu’il doit écrire et il me dit qu’il doit écrire pour 3 autres personnes avant moi. Le scénario ne sera donc pas couché sur papier avant 4-5 ans si je suis chanceuse. Je finis par perdre patience, car je n’en peux plus de ses paroles en l’air, de sa mauvaise attitude et de son arrogance.

Alors que je suis à ma pause diner au cégep, il m’appelle et me crie dessus en me rabaissant encore une fois, en me disant que je n’ai aucun talent, que je suis ingrate et menteuse. Il finit par me dire qu’on arrête tout, j’acquiesce (avec joie) et il me raccroche au nez.

Plus tard dans la soirée, il m’envoie un courriel en mettant sa sœur en cc, sa sœur qui faisait toujours mes ongles, pour dire qu’il résilie mon « contrat ». Il enchaine en disant que si je me sers de son nom pour entrer dans une autre compagnie, il me poursuivra en justice. Il finit par dire : « Bonne chance à toi, moi je suis déjà dans le domaine, lol. »  J’avais 18 ans et lui 42.

J’ai vécu l’enfer pendant 1 an avec lui. 6 ans plus tard, je me rappelle encore de l’anxiété que je faisais à cause de lui et à quel point il m’avait fait croire qu’il était ma seule chance de percer.

Alexe Fortier signature
Sophia Bédard

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