reconstruction de mon p'tit monde

La reconstruction de mon p’tit monde (partie 1)

Pour lire la série La fin de mon p’tit monde- Journal de confinement, c’est ICI.

Madame! Madame! Madame!

Madaaaaame!

Ça semble peut-être insensé

Ou même incompréhensible pour certains, mais me faire interpeller de la sorte me manquait.

Je m’ennuyais terriblement des petits êtres criant mon nom et le faisant résonner dans la même pièce que moi.

Le contact humain.

C’est de ça, spécifiquement, dont mon enseignement virtuel manquait.

Être étourdie après une journée bien chargée en lavages de mains, de périodes libres d’occupées à faire reprendre des évaluations parce qu’une quantité indénombrable de mes élèves étaient absents dû à un nez coulant et à courir dans tous les sens telle une queue de veau:

Ouais, je m’ennuyais de manquer de temps pour boire mon café chaud et pour rayer toutes les choses à faire inscrites sur ma to-do list.

Je dois vous dire en tout honnêteté que d’avoir mille et une anecdotes à raconter lors de mon retour à la maison était aussi quelque chose qui créait un vide en moi durant le confinement.

Et pendant les vacances d’été.

Dorénavant, je peux énumérer toutes les péripéties causées par les recherches d’un appareil dentaire.

« Madame, je ne trouve plus mon appareil dentaire » (à lire avec un trémolo dans la voix) m’a dit une de mes élèves.

Bon bon bon…

Étant moi-même une enfant ayant eu mille et un appareils dentaires et des broches, des signes d’argent se sont mis à flasher dans ma tête en entendant ces mots.

Je ne sais pas si c’est l’air piteux de mon étudiante ou la peur d’entendre des reproches de la part de la maman de cette enfant qui m’effrayaient le plus, mais j’ai fouillé son sac, ses vêtements, ses vêtements d’éducation physique, son casier et son pupitre comme si un crime venait d’avoir lieu.

J’étais en mission.

Je vous vois déjà être pendus à mes lèvres dans le but de savoir la conclusion de cette histoire banale.

Il faut croire que je n’avais pas effectué mes recherches assez en profondeurs la première fois.

Comment je le sais vous me demanderez?

Eh bien, je m’en suis rendue compte assez rapidement quand je mis ma main sur un objet minuscule et visqueux dans la plus grande poche du sac à dos de mon élève.

« Suuuuuper », pensai-je.

Je venais de lui sauver la vie!

Vous auriez dû voir le paquet d’étoiles qui cachaient ses petites iris, vous!

Wow!

C’est pour ce genre de moments (sans compter le sentiment de surprise mélangé au dédain) que j’aime ma profession.

« Ah! Merci, madame! » me dit-elle en ayant le goût de me serrer dans ses bras.

Sauf que les câlins, vous le savez tout comme moi, c’est terminé.

Plus de câlins.

C’est dur, ça.

J’avais ma dose hebdomadaire d’amour en une seule journée l’an dernier.

Maintenant, je me contente de serrer le vide en prétendant que je les entoure de mes bras.

Pas mal moins satisfaisant.

Je vous le dis.

Je vous le confirme.

Au moins, le babillard en liège derrière mon bureau est déjà parsemé de dessins dont :

« Meilleure prof ».

Je me console en le contemplant

Beaucoup trop longtemps, même, parfois.

« Madaaaaame, on met ça où? »

« Madaaaaame, pourquoi c’est vert comme ça? »

« Madaaaaame, qu’est-ce qu’on va faire, hein, avec ça? »

Ce sont toutes des questions que j’évitais avec mes grands de sixième année.

Comme vous l’aurez peut-être deviné, oui, j’ai changé de niveau.

J’enseigne en cinquième année maintenant.

« Voyons! C’est juste un an de différence! Il y a un si grand step entre les deux » vous me questionnerez.

Je vous répondrai par l’affirmative.

Moi-même j’étais surprise de le constater la première semaine.

Ou la première journée je devrais dire.

Je tiens à spécifier que ce n’est pas écrit avec une connotation négative.

C’est une simple constatation, car moi-même, au départ, j’étais sceptique qu’il y ait un gap entre la première et la deuxième année du troisième cycle.

Toutefois, croyez-moi, cette marche entre les deux existe!

Par contre, plus enfantins ils sont, plus ils sont affectueux également!

Et, entre vous et moi, quand vous êtes habitués de recevoir des sourires, des grimaces (je le sais, maintenant, avec le masque, ce n’est plus pareil), et que vous vous en êtes passés pendant des mois,

Ça ne peut qu’être agréable d’en récolter de nouveau et en plus grande quantité parce que les élèves de cinquième année, oui, ils t’aiment, mais ils t’admirent encore comparativement aux grands de la sixième année.

Je suis au courant que les hormones de la puberté ne tarderont pas à apparaître, sauf que pour le moment, j’en profite.

Allègrement même.

Encore plus quand ma vie au quotidien en arrache.

Shany signature

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