Bon. Avant tout, j’ai toujours abordé la pandémie sans me plaindre. J’ai toujours abordé la situation en mode « sensibilisation » et quelques fois en partageant ma frustration face aux personnes qui ne respectent pas les mesures. Mais jamais en mettant de l’avant mon “me, myself and I”. Non, parce que je suis la fille qui se dit toujours qu’il y a pire que soi. Parce que c’est vrai. Alors, avec l’annonce de M.Legault aujourd’hui, je me permets de parler en mon nom, racontant mon histoire, qui est pire que d’autres.
J’habite seule. Ça me va, je me sens bien chez moi. Depuis mars dernier, je me suis habituée à ne voir personne. Quand il y a eu le déconfinement en juin, j’ai vu quelques personnes, à l’extérieur et à 2 mètres de distance. Dans la dernière année on a eu de mauvaises nouvelles sur la santé de mon père. On était tellement heureux de pouvoir fêter Noël grâce à l’annonce de M.Legault il y a deux semaines. Ma famille, ce sont mes parents, mon frère, sa blonde, mon neveu et moi. Mais ça, ce n’est pas un argument. J’allais pouvoir passer UNE journée avec ma famille, avec mon père. J’ai pris congé pour faire mon confinement de 10 jours afin de m’assurer de ne pas être malade. Mon père est fragile. Depuis mars 2020, je limite tout dans ma vie dans le but de pouvoir continuer de voir mes parents. Je sais que dans les règlements il est indiqué « qu’une personne habitant seule peut recevoir un visiteur ». Mais pour ma part c’est moi, habitant seule, qui va chez mes parents. Je sais.
À 13 h aujourd’hui, le ministre a annoncé que les rassemblements pour Noël sont annulés. Parce que les hausses de cas sont importantes. J’ai dû me stationner sur le côté de la route et j’ai pleuré un bon 30 minutes. Depuis le mois de mars, je n’ai pas pris mes parents dans mes bras. J’ai fait attention et j’ai tout fait ce que le gouvernement nous demandait. Sauf le fait d’aller chez mes parents qui sont deux. Comme mon père dit « t’habites presque ici ». Effectivement, j’habite à 5 rues t’sais. Mais bon. À la base, je sais que j’enfreins une règle.
J’étais heureuse de vivre cette journée. Pour mon papa surtout. Mais pour moi aussi. Là, je dois dire à mon coeur de faire un 360 degrés. Je vais passer Noël seule. Mon père ne pourra pas voir son petit-fils et ses enfants. Je pense aux gens qui habitent avec d’autres personnes qui se plaignent surtout toi qui a un.e conjoint.e et des enfants. Je sais que c’est frustrant, mais pense qu’il y a pire que toi. Moi qui habite seule et qui a un père malade pour qui le temps est compté et que chaque moment est précieux. Le temps est tellement précieux. Et moi, je pense aux familles ayant des proches en fin de vie. Je pense aux travailleurs essentiels qui travaillent comme des machines et qui n’ont pas de vie depuis mars 2020. Il y a pire que moi.
Alors mon Québec, tu me fais tellement de peine d’avoir pris pour acquis des choses. D’avoir décidé volontairement de te foutre des autres en te rassemblant et en ne portant pas de masque. Je suis en colère contre toi qui ris de l’annulation de Noël parce que tu vas clairement faire ton party pareil. Tu me décourage royalement TOI qui n’a aucune compassion, aucun respect pour les humains de ta province, tes amis, tes collègues, tes voisins.
Je pleure toutes les larmes de mon corps. Je souhaitais une seule journée avec mon père, ma mère, mon frère, ma belle-sœur et mon neveu. Probablement comme beaucoup de gens dans ma situation, ou une situation pire que la mienne.Une seule journée pour TOUTES les personnes qui, comme moi, ont respecté toutes les règles depuis le 13 mars et toutes les personnes qui, comme moi, ont quelqu’un de malade dans leur famille. Je suis fatiguée, épuisée et tellement triste de vivre les conséquences d’une quantité de personnes irresponsables, irrespectueuses et dangereuses. Beaucoup diront que « c’est juste Noël » mais pour nous c’était important. Mon neveu aura 2 ans, mon papa est si fier d’être papi. Il ne pourra pas voir son petit-fils déballer ses cadeaux. Beaucoup diront « faites un Noël Zoom ». C’est ce que je ferai avec mes amis. Mais mon père mérite sa famille. On méritait de se voir les 6 ensemble. On méritait cette journée.
Mon papa. Je t’aime. Ma famille, je vous aime. Mon cœur est en miettes. On a respecté les règles, mais on paye pour les autres.
