Les bobos qu'on ne vois pas

Les bobos qu’on ne voit pas

Avec le temps, j’ai commencé à m’habituer au regard des gens. C’est quand même triste de dire qu’on s’habitue aux jugements. Quand tu vis avec une maladie mentale, tu te sens différent, même si tu ne le devrais pas. Même si ça fait bientôt cinq ans que je suis en thérapie et que j’apprends à vivre avec tout ce que mon trouble me fait vivre comme tempête, c’est encore là. Le sentiment d’être différente aussi. Mais ce qui me fait encore de la peine, c’est le fait qu’on pense encore que la maladie mentale est un mensonge. Qu’on croit encore que ce n’est pas une « vraie maladie » et que c’est dans nos têtes. Ce sont des bobos qu’on ne voit pas, donc on n’y croit pas.

C’est difficile à expliquer, la maladie mentale. C’est souvent ça notre plus gros trouble. Tenter de se comprendre soi-même. Mettre le doigt sur le bobo qui nous fait tant souffrir. On a beau vouloir tout faire pour aller mieux, ce n’est pas un os brisé qui finit par se ressouder. Un plâtre ne changera rien aux émotions qui se transforment des fois en tornades dans ma tête, dans mon corps, et qui fait souvent ressortir le plus laid. Les idées noires, les déprimes, les colères, les larmes. Des fois une chose, des fois tout en même temps.

On ne peut pas comprendre ce qu’on ne vit pas. Des fois, des gens veulent tellement comprendre le pourquoi du comment qu’on peut sentir le jugement au travers leurs yeux. « Oui, mais si tu fais ça, tu vas aller mieux », « Tu prends une médication, pourquoi tu feel pas encore ? », « Moi aussi je suis fatiguée, je ne suis pas en dépression ou en thérapie pour autant », « T’es plus forte que ça, botte-toi les fesses un peu et ça va passer ». Ah la super phrase. ÇA VA PASSER. Mais qu’est-ce que tu en sais ? En fait, comment peux-tu le savoir plus que moi ? C’est moi qui feel croche, pas toi. Pourquoi essaies-tu de faire la job de mon psy ?

J’ai cessé d’espérer de ne plus ressentir. J’ai fini par comprendre, grâce à la thérapie de groupe, que ma culpabilité d’être qui je suis n’était pas saine. Que cette culpabilité et cette pression étaient correctes. Que j’ai le droit d’accepter ces côtés de moi qui font peur aux gens. Ces petits et gros nuages noirs sont là pour rester. J’ai cessé d’essayer de les chasser. J’ai décidé de les empêcher de contrôler ma vie, tout en les apprivoisant pour qu’ils ne me blessent plus autant.

C’est flou pour toi tout ça, hein ? Justement, essaies pas de comprendre ce qui se passe dans ma tête et dans mon cœur. Accepte simplement qui je suis, tel que je suis. Comme on le fait avec tout le monde. Je ne suis pas plus différente dans qui je suis parce que j’ai un TPL. Je suis aussi valide que tout un chacun.

Non. Mes bobos ne se voient pas. Mais ils sont là. Pas toujours, mais, tu sais, mes bobos font partie de moi. Mes bobos sont, pour la plupart, permanents et je les accepte maintenant. Ils ne me définissent pas en tant qu’humaine. Mais ils sont là, jamais loin, des fois petits, des fois gros. Pis c’est ben correct.

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