Maman, tu étais importante pour moi; tu m’as tant appris! Dans les dernières années, la maladie t’a changée et rendue moins autonome; je m’occupais de toi quand j’allais te voir. Je te coupais les ongles, te peignais les cheveux, te promenais dans ta chaise roulante. Tranquillement, j’ai commencé mon deuil car tu n’étais plus la personne que j’avais connue et aimée.
Il y a 2 ans tu as quitté ta maison d’une façon très abrupte car en plus de tes problèmes de mémoire, une infection urinaire mal traitée a causé de la confusion et tu as chassé mon père de la maison car il était devenu un étranger pour toi. Mon père a fait le 911 et tu es partie en ambulance, pour ne jamais revenir chez toi. Après avoir été hospitalisée quelques semaines, tu as été placée dans un CHSLD car tu demandais des soins et une surveillance 24 h sur 24. Une blessure t’a clouée dans un fauteuil roulant; malgré cela tu disais que tu marchais encore…
Tu résidais sur un étage où les gens étaient à risques de fugues; tu ne t’es jamais habituée à cet environnement et tu n’as jamais su retrouver ta chambre de toi-même. Difficile de te voir là! Par contre, nous savions que des personnes dévouées s’occupaient de toi et te donnaient les soins dont tu avais besoin.
Nos conversations avec toi étaient bizarres; il ne fallait pas te contrarier alors on disait comme toi pour ne pas que tu te choques. On te racontait aussi des histoires pour te distraire et passer le temps. Tu n’étais plus capable de te concentrer sur quelque chose; heureusement pour toi tu n’avais plus la notion du temps!
Quand j’allais te visiter, il y a certaines fois où tu ne me reconnaissais pas comme une de tes filles; tu me prenais pour une de tes amies. Cela m’a donné un choc la première fois! Il y a aussi une période où tu parlais de tes parents, comme s’ils étaient toujours vivants. On a vraiment compris pourquoi on dit que certaines personnes âgées retombent en enfance. C’est difficile de voir notre mère perdre tous ses moyens de cette façon.
Quand la pandémie est arrivée, on n’a pas pu continuer d’aller te voir au CHSLD. On se demandait ce que tu comprenais de cette situation. Tous les jours, les employés du centre devaient te dire que non, tu n’aurais pas de visite aujourd’hui. Il a fallu lâcher prise car on ne pouvait rien changer à la situation.
En mai dernier, tu as probablement fait un AVC et ton état s’est détérioré rapidement. Quand on a su que ton état était grave, on a été te visiter, mon père, ma sœur et moi chacun notre tour, tout en respectant les règles sanitaires en lien avec la Covid-19. Tu n’étais plus consciente par contre. Tu cherchais ton souffle; c’était très dur de te voir ainsi. J’aurais voulu t’aider mais on ne pouvait rien faire. Seulement attendre que ton corps n’en puisse plus et que ton cœur s’arrête.
Un charriot avait été emmené dans ta chambre, sur lequel il y avait une cafetière, une radio et un carnet pour écrire nos réflexions. On a pu te faire nos adieux, en espérant que tu puisses nous entendre. Je t’ai dit de partir; je t’ai rappelé que tu as eu une belle vie.
Pendant les 3 heures que j’ai passées à ton chevet, j’ai écrit mes réflexions dans le carnet. Je communiquais avec toi de cette façon. Cela m’a permis de me détacher un peu de ce qui se passait dans cette chambre.
J’ai trouvé un poste de radio qui jouait du classique, musique que tu aimais particulièrement.
Tu nous as quittés dans la nuit suivante, avec Papa à ton chevet.
Je ne suis pas triste de ton départ. Tu as accompli ce que tu avais à faire ici-bas. Tu as eu le temps de nous transmettre tes connaissances et tu as eu le temps de connaitre tes 4 petits-enfants.
J’ai compris que tu es plus présente pour moi que dans les dernières années et que tu veilles sur nous.
Merci pour tout Maman!
Manon Landry


One Comment
Lise Deslongchamps
Très beau témoignage!
Merci!