Je suis autochtone

Je suis autochtone et je devrais en être fière

Je suis autochtone et je devrais en être fière. Je ne devrais pas avoir peur ou honte de le dire aux autres. Je devrais célébrer mes origines et partager avec plaisir ma nationalité avec le reste du monde entier. Je devrais en savoir plus sur les coutumes de mes ancêtres et pouvoir transmettre à mon tour nos traditions millénaires à mes enfants. Je devrais souligner mes traits particuliers, la couleur sombre de ma peau et de mes cheveux. Je suis autochtone, mais je ne sais pas si je pourrai un jour montrer à quel point je peux en être fière.

Je ne suis pas née autochtone, même si le sang de mes ancêtres coule dans mes veines. Je ne suis pas née autochtone, car quelque part une loi a dépossédé ma grand-mère de tous ses droits lorsque son cœur s’est épris d’un « blanc ». Elle a dû tout quitter; sa terre, sa famille et mettre de côté ses origines, ses racines pour une simple question légale.

Les femmes autochtones étaient les seules à subir cette injustice alors que leurs propres frères conservaient leurs droits les donnant même à leurs femmes « blanches » et leurs enfants. Comme ma grand-mère, des femmes de la communauté devaient renoncer à transmettre leurs histoires à la génération suivante pour une question de « pureté » de sang.

Des années se sont écoulées avant que leurs voix s’élèvent afin de dénoncer cette disparité entre les sexes. Après un combat de plusieurs années, la loi a changé pour faire disparaître ce préjudice envers des femmes comme ma grand-mère et ma mère. Grâce à elles, j’ai retrouvé ce que j’avais perdu bien avant ma naissance. À mes 25 ans, j’ai obtenu légalement le statut autochtone alors que mon sang, lui, n’a jamais changé.

Ironie du sort, je suis maintenant en équilibre entre deux mondes. Navigant entre ces rivages diamétralement opposés. Comme plusieurs autres, c’est encore difficile pour moi de trouver ma place entre mon passé et mon présent.

Aujourd’hui, malgré nos avancées dans divers domaines, les préjugés envers les autochtones ont la couenne dure dans notre société. À de nombreuses reprises, j’ai pu le constater tout comme mes frères et sœurs.

Les membres de nos communautés sont victimes jour après jour de méchanceté et ils restent souvent discrets afin de ne pas exacerber cette intolérance envers eux. Lorsqu’il vous viendra à l’esprit d’envier les autochtones parce qu’ils auraient des « avantages », je vous invite à chausser leurs souliers.

Soyez prêts à faire face au côté sombre du monde. Imaginez-vous dépossédés de vos territoires, reclus dans des espaces restreints parfois au beau milieu de nulle part pour conserver vos droits, à une certaine époque vos enfants ont été arrachés à votre famille, forcés de quitter vos terres pour les forcer à devenir comme les autres.

Plusieurs d’entre nous sont aujourd’hui face à un dilemme : cacher leurs origines pour trouver un semblant de paix et pour ne pas se faire juger ou vivre avec le mépris quotidien des gens. Les années passent, mais tout un pan de notre propre histoire reste caché, voire a été complètement effacé. Laissant notre peuple face à un gouffre qui les sépare du reste de la société.

Je devrais être fière d’être une autochtone. Depuis plusieurs années, j’ai eu la chance de découvrir une face peu connue de nos communautés. Plusieurs d’entre elles prennent aujourd’hui leurs destinées en main, certaines se dotant de projets innovateurs basés sur nos valeurs et même d’une constitution afin de pouvoir mener leurs propres combats. Je suis fière d’être autochtone, car notre peuple reste fort et soudé malgré les écueils. Je suis une de ses membres, je dois être comme eux, une gardienne de ses coutumes ancestrales afin qu’elles perdurent dans le temps pour ne jamais disparaître.

Julie Lambert
Catherine Duguay signature

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