Le 1er juillet dernier, je suis allée au cinéma. La première fois depuis le début de la pandémie. Je suis partie seule, comme j’aimais le faire. J’ai acheté mon billet.
« Un billet pour La parfaite victime, s’il-vous-plaît. »
Je me suis acheté un popcorn et une petite boisson gazeuse et je me suis rendue à la salle 12 tel qu’indiqué sur mon billet. La salle était complètement vide. C’est donc dans cette immense salle que j’ai visionné ce film, ce documentaire. J’ai ressenti de la colère du début à la fin. J’avais les bras et les joues rouges parce que je me suis gratté tout le long. C’est ce que je fais quand je suis anxieuse.
J’ai écrit ce texte directement en revenant à la maison. Mais finalement, j’ai laissé mes idées mijoter un peu. J’ai tout effacé ce qui était à la suite du paragraphe ci-haut. C’était rempli de colère et d’incompréhension. J’avais envie de prendre mon temps avant de partager mon opinion sur ce film. J’avais le goût d’avoir un peu de recul et de lire quelques commentaires. Ce que j’ai arrêté de faire après une dizaine. Je sentais mon corps devenir chaud.
J’ai ensuite lu l’article de Marie-Pier, que vous pouvez lire ICI, qui est sorti hier sur le blogue. Et c’est là que j’ai eu envie de simplement exprimer ce que ce film m’a fait vivre. Au plus profond de mon être. De tout mon être. Comme le dit si bien Marie-Pier, je suis avant tout une survivante. J’ai vécu une agression sexuelle violente. Le (les) coupable (s) n’ont jamais été dénoncés.
Assise sur le siège du cinéma, avec mon sac de popcorn sur les genoux, j’ai écouté les témoignages de chacune des victimes avec énormément d’empathie. Certaines phrases, certains mots, j’aurais pu moi-même les dire. Les seuls commentaires que j’ai lus, c’est qu’on reprochait au film de pointer du doigt les avocats et notre système de justice. Moi ce que j’ai vu, c’est l’explication et les raisons pour lesquelles des agresseurs sont encore libres après la violence qu’ils ont commise. Que des victimes ne veulent plus dénoncer, parce que ce serait de vivre une autre sorte de violence.
J’ai ressenti du dégout. Beaucoup. Mais j’ai surtout pleuré de désespoir pour toutes celles (et ceux) qui ont vécus, qui vivent et qui vivront autant de violence physique sans obtenir justice. J’ai eu peur. J’ai eu peur, puisqu’en sachant les statistiques des plaintes non retenues, ça m’a fait réaliser le nombre important d’agresseurs en liberté qui pourraient récidiver. Des hommes qui sont libres d’agir, sans être punis. Parce qu’une parole n’est pas suffisante. Même une preuve ADN, une vidéo, un témoin ne sont pas suffisants aux yeux de la justice pour qu’un humain ayant commis l’irréparable soit jugé adéquatement.
J’ai compris qu’ici, la victime devait prouver que l’accusé a commis les gestes. Qu’il est non coupable jusqu’à preuve du contraire. Ce qui n’a pas de sens à mon avis. On devrait avoir un système de justice qui protège les victimes et non les accusés. Ça devrait être les accusés qui devraient tenter de prouver qu’il n’ont pas commis les gestes, coupables jusqu’à preuve du contraire. Ne pas avoir des avocats qui chercheront minutieusement des preuves contre la victime.
Ça me met tout à l’envers.
J’ai longtemps vécue de la culpabilité de n’avoir rien dit. D’avoir gardé le secret et de ne pas avoir dénoncé. Ils ont peut-être fait d’autres victimes à cause de moi. Ce serait de ma faute, puisque je n’ai pas été à la police. Encore la victime qui doit avoir la responsabilité des actes qu’elle n’a pas consentis.
Non, ce film n’était pas une raison pour basher le système de santé, mais bien de montrer ce qui se passe pour les victimes courageuses qui décident de dénoncer. Montrer ce qu’elles doivent vivre et revivre.
Dans mon cœur, je ne serai jamais guérie à 100%. J’aurai toujours cette cicatrice qu’ils m’ont laissée en m’agressant comme ils l’ont fait. Eux. Ils ont vécu un moment de plaisir et leur vie a continué comme si de rien n’était. Moi. J’ai vécu l’enfer durant un moment et ma vie n’a jamais été « comme si rien était » les 22 années suivantes.
Ce film. Ce documentaire d’une puissance incroyable, m’a parlé directement. Je me suis sentie interpelée. « Tu n’es pas seule, nous sommes des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants, on est tous des survivants.tes. »
On a besoin d’une société qui écoute et qui ne fait pas juste entendre.


Photo de couverture prise sur la page Facebook La parfaite victime