« Si tu veux que je te redonne ton porte-clefs, il faudra que tu me donnes un baiser, ma dame. »
Voici comment à 15 ans, j’ai embrassé l’homme de ma vie. Cet échange anodin et simple marque pourtant l’instant où, sans trop le savoir, nous avons donné notre cœur à l’autre.
4 mois plus tôt…
Malgré mon jeune âge, j’avais déjà vécu deux autres relations, d’où je sortais blessée, insécure et déçue de ce que j’attendais de l’Amour.
Assurément, j’avais une vision romantique, voire chevaleresque de l’Homme que je recherchais. Je sentais que mon cœur mature était celui d’une jeune femme de 30 ans et non d’une adolescente.
J’observais les amourettes autour de moi et elles me décourageaient fortement.
J’étais en secondaire 3 et lui en secondaire 5. Je ne lui avais jamais vraiment parlé directement, même si on se saluait depuis le début de mon secondaire.
Je le croisais donc dans les corridors de l’école presque chaque jour.
Et quelques fois en après-midi, il venait voir son meilleur ami, mon voisin d’en bas.
De sa gang, c’était le plus discret. De taille plus petite que les autres, je me souviens qu’il était baveux et compétitif envers ses amis. Ses yeux mystérieux et son magnifique sourire avaient capté mon attention bien des mois avant notre baiser. Malheureusement, à ce moment-là, il était en relation avec une autre, alors je me tenais à l’écart par respect.
Cette année-là, je m’en allais en Argentine pour un mois avec ma famille et j’avais demandé à mes amis de m’écrire des mots dans un carnet pour pouvoir les lire lorsque je m’ennuierais LOIN là-bas.
À 15 ans, quitter ses amis pour 4 semaines, on sait bien que c’est la catastrophe…
Imaginez… en 1995, pas d’Internet, de Facebook ou d’iPad. C’est à se demander comment j’ai pu survivre à cette époque!
Dans ma valise, entre mes maillots et mes pyjamas, j’avais apporté avec moi mon carnet où j’avais glissé une photo de lui qu’il m’avait offert.
J’ai dû lire et relire son message au moins 60 fois :
« Chanceuse, tu t’en vas dans le Sud! J’espère que tu ne t’ennuieras pas trop de Montréal et plus particulièrement de moi. Ton ami xxxx »
Ses paroles sont restées gravées dans ma mémoire du moment où mon âme les a vues… et dans mon cœur aussi maintenant que j’y pense.
Une étincelle et un espoir amoureux venaient de naître.
Ma cousine riait de moi, car sous mon oreiller, je cachais sa photo, que j’embrassais chaque soir, en lui souhaitant bonne nuit et en croyant que peut-être par magie, il m’entendait à 8833 km de moi.
À force de parler au ciel et à la Lune, j’aime penser que mes souhaits ont été entendus. À mon retour de vacances, il était célibataire!
En vraie jouvencelle, je ne tenais plus en place. Je désirais tellement le croiser et le revoir. Et simultanément, j’angoissais à l’idée de l’apercevoir au bout du corridor. Finalement, je ne me suis pas évanouie et je n’ai pas bégayé lorsqu’il est apparu devant moi. Nous avons échangé nos numéros et malgré que je ne me souvienne pas de nos conversations interminables, j’ai un vague sentiment de bien-être et de joie en repensant à celles-ci. Il me faisait rire et dans mon livre à moi, c’est un must!
Un jour, en l’entrelaçant, ses lèvres ont frôlé les miennes et mon cœur s’est affolé. Je ne lui ai jamais demandé s’il avait senti les palpitations dans ma poitrine cette journée-là, par contre, notre étreinte a semblé durer une éternité.
Puis un 25 janvier, il y a si longtemps, il m’attendait dans le portique menant à ma porte. En le découvrant assis sur mes marches, j’en échappai mes clefs, qu’il ramassa aussitôt.
Nous avons parlé presque une heure puis je lui ai demandé de me les remettre, car je devais rentrer pour préparer le souper.
D’un air coquin, il me répondit qu’il demandait un baiser en échange…
Plus de 20 ans après, nous n’avons pas changé tant que cela à mes yeux.
Pas dans nos cœurs ni dans nos âmes de jeunes amoureux. On se connaît et on se reconnaît dans bien des facettes de la vie.
Nous avons nos qualités et nos défauts et nous avons appris à les apprivoiser au quotidien.
Je l’aime mon Homme et quelquefois, quand on se retrouve et qu’il m’embrasse, je reviens à cet instant précis et précieux où au lieu de laisser tomber mes souliers de verre dans les marches, j’ai échappé mon porte-clefs… peut-être délibérément!