on ne le dira pas

Critique littéraire du mois – On ne le dira pas à nos enfants

Il y a des romans qui nous frappent dès les premières pages, et On ne le dira pas à nos enfants, de Sophie Laurin, en fait partie. Pas parce qu’il est spectaculaire ou dramatique, mais parce qu’il raconte l’amour et la vie avec une honnêteté désarmante. Pour moi, c’est exactement le genre de récit qui me donne envie, un jour, de mettre en mots ma propre histoire des vingt dernières années.

Ce que j’aime de Sophie Laurin, c’est sa façon d’écrire comme si chaque émotion portait un souffle vivant. Dès sa première trilogie, j’avais senti que sa plume allait me suivre longtemps. Elle a un talent rare pour nous faire glisser dans l’univers de ses personnages sans effort, comme si on les connaissait déjà. Elle rend les scènes tellement concrètes qu’on a l’impression d’y être physiquement.

Dans ce roman, l’originalité vient du fait qu’Amélie raconte son histoire directement à Simon. On lit presque un long murmure entre deux personnes qui s’aiment. Au début, ça surprend de ne pas être interpellé comme lecteur. Mais rapidement, on se laisse prendre au jeu, et on devient témoin privilégié de leurs confidences, de leurs joies, de leurs peurs, de leurs maladresses.

Simon, lui, c’est un personnage qui reste longtemps en tête. Pas parce qu’il est parfait, mais parce qu’il incarne tout ce qu’on souhaite d’un partenaire qui veut vraiment être présent : attentionné, patient, curieux de l’autre. Avec Amélie, il forme un duo qui sonne vrai. On rit avec eux, surtout dans leurs débuts chaotiques : les premiers moments où on essaie d’avoir l’air cool, mais où rien ne sort comme prévu. C’est drôle, humain, et tellement bien observé.

on ne le dira pas

Puis le roman prend de la profondeur. On les suit dans ce que la vie apporte de beau, mais aussi dans ce qu’elle enlève parfois. Les rêves qui changent de forme, les deuils, les détours imprévus, les décisions qui marquent. Sophie Laurin excelle dans l’art de décrire ces zones grises où il n’y a pas de bonne réponse, juste des cœurs qui essaient de faire leur possible.

Même si on n’a pas vécu les mêmes situations qu’eux, on ressent tout. Le tiraillement, l’impuissance, la colère, la tendresse, la fatigue, la résilience. Et parfois, ce petit éclat qui renaît quand on finit par dire ce qu’on n’avait jamais osé nommer.

L’histoire s’étire sur plus de trente ans, mais jamais elle ne perd le fil. Et quand on finit le livre, on a l’impression d’avoir accompagné deux êtres qui ont essayé, vraiment essayé, de faire de leur mieux. On en ressort apaisé, touché, et étrangement réconcilié avec certaines parts de nous-mêmes.

Sophie Laurin nous offre ici un roman d’une grande humanité, tout en nuances, porté par une écriture qui reste longtemps en nous. Si elle continue sur cette lancée, je suis certaine qu’elle va marquer encore bien des lecteurs et peut-être inspirer d’autres histoires à raconter.

Jennifer signature