Folie Urbaine magasiner maillot

Magasiner un maillot : Mon calvaire

Aujourd’hui, je dois aller m’acheter un maillot.

C’est genre la pire idée de la journée.

Je mange peu au déjeuner. Pas question d’être ballonnée en arrivant au paradis des bouts de tissus. Donc, je mange léger. Anyway, j’ai déjà un peu mal au cœur.

Je me maquille et je me peigne soigneusement parce qu’au moins je ne ferai pas dur de la face quand je serai coincée dans la cabine mal éclairée. Quoiqu’avec cet éclairage déficient, mon smokey eye aura peut-être juste l’air d’un maquillage de fille qui a oublié de se mettre du mascara waterproof et qui vient de brailler sa vie.

Je me rase. J’ai-tu vraiment besoin d’expliquer pourquoi ? Faut pas faire peur aux vendeuses avec du poil qui dépasse de partout et attirer un regard de leur part qui dit : « Ma pauvre fille, tu devrais pas sortir en public de même ».

Je me brosse les dents ou j’avale 2-3 menthes. Rapport ? C’est une question de confiance… Tu ne peux pas sortir d’une cabine pleine d’assurance avec un maillot de bain si tu pues de la bouche.

No way.

Dernier coup d’œil dans le miroir. Je me trouve pas pire. Pour l’instant. Un petit regard qui bifurque vers mon lit. Non Jen, tu ne retournes pas te cacher sous les couvertures. Assume-toi, fille, c’est juste un maillot de bain. Y a des choses pires que ça dans vie.

J’arrive au magasin qui me semble offrir la plus grande variété de maillots, après avoir fait le tour du centre d’achat 2 fois. J’ai l’air d’un chevreuil coincé au milieu de la route avec les phares dans les yeux. Regard apeuré, la tête qui tourne dans toutes les directions. Par où je commence ? Le rack en solde évidemment. J’ai pour principe de ne jamais acheter à plein prix. À moins d’avoir un MÉGA coup de cœur. Pis ça, ça arrive une fois par année. Genre, si le seul maillot qui me fait n’est pas dans la section rabais. Je me dirige donc d’une traite vers l’arrière du magasin. Comme ça, je ne risque pas trop de me faire voir si quelqu’un passe devant le magasin. Parce que tu n’as surtout pas le goût de croiser quelqu’un que tu connais quand tu magasines un maillot.

C’est le début de la torture mentale.

On oublie tout de suite les modèles « triangles ». Avec la poitrine que j’ai, ça prendrait des modèles dodécaèdres. D’ailleurs, je ne sais pas pourquoi on veut essayer de faire « fiter » un sein rond dans une forme triangulaire… Ce n’est pas mathématiquement impossible, ça ? On oublie aussi les modèles sans bretelles, inadéquats pour ma poitrine qui subit, tous les jours depuis mon accouchement, les assauts de la gravité. Donc, à moins de pouvoir détacher subtilement les bretelles de mon maillot en me faisant bronzer chez moi à l’abri des regards, je suis condamnée à avoir deux belles marques blanches sur les épaules chaque été de ma vie. Comme je n’ai pas encore fait le deuil des bikinis, j’accorde peu d’attention aux modèles 1 pièce, bien qu’il y en ait de superbes dans la plupart des magasins et qui sont loin du maillot standard de natation ou du modèle à fleurs avec jupette.

Après avoir scanné chaque maillot avec mon regard implacable capable de déceler la moindre faille, j’ai mis aussi une croix sur les camisoles (parce que je veux un ventre bronzé) et les modèles qui couvrent la poitrine pour la même raison. Parce que si je dois assumer de montrer autant de peau, faut ben qu’il y ait l’avantage d’obtenir un beau hâle.

Dès que j’entre dans la cabine, je sens la petite goutte de sueur perler dans mon cou. Juste une petite. Juste pour faire augmenter mon pouls de quelques pulsations. Une grande lassitude m’envahit à l’idée de me déshabiller, comme chaque fois que je dois essayer des vêtements en cabine. Si l’éclairage est déficient dans 100 % de celles-ci, celui des magasins de maillots fait habituellement des efforts pour tamiser ses ampoules, question d’amoindrir les traumatismes de devoir faire face à ses vergetures, sa cellulite, son mou de cuisse et son gras de ventre. Bel essai, mais ça ne marche pas plus, je suis même certaine qu’ils compensent en grossissant les miroirs.

Folie Urbaine Magasiner maillot photo1 Source 

Je commence par enlever le haut, anyway, c’est là que se situe le gros de mon problème (ou devrais-je dire les gros ?), alors aussi bien l’attaquer tout de suite.

1er modèle… catastrophe…

Ça déborde de partout, ça prendrait 2x plus de tissus pour couvrir mes seins.

2e modèle…

Côté maintien, ça peut aller, mais pour ça j’ai dû attacher les cordons si serrés derrière mon cou que je marche la tête penchée et ma circulation s’est bloquée au niveau des épaules.

3e, 4e, 5e modèles…

Je passe les détails, mais une chose est certaine : ÇA NE MARCHE PAS ! Je commence à rager et à avoir une petite goutte cette fois-ci dans le coin de l’œil. Je déteste les maillots de bain, mon corps, la vendeuse, la propriétaire de la boutique et même la personne qui a inventé le maillot. Mon esprit alterne entre vouloir me cacher dans un trou avec 25 kilos de bonbons et en manger tellement que je ne serais plus capable de sortir, ou faire le plus grand régime jamais intenté par une femme sans passer par l’anorexie. J’ai l’air d’exagérer, et sûrement qu’il y en aura pour dire que je me plains pour rien avec le poids que j’ai. Je n’écris pas ce texte pour relancer le débat sur l’acceptation de soi, sur la diversité corporelle ou le « bodyshaming ». Je souhaite juste exprimer ce que je ressens lorsque je magasine un maillot.

Après au moins 5 boutiques, 27 maillots, 2 soupirs de vendeuse pu capable de me voir enchaîner les bikinis, 27 sourires sincères ou non de celle-ci qui essaie de me convaincre que chaque 2 pièces a quelque chose d’unique sur moi, je trouve enfin celui qu’il me faut. Celui qui me fait bien. Celui qui met mes courbes en valeur plutôt que de les faire déborder de partout. Celui qui montre ce que je veux bien montrer et qui cache ce qu’il faut.

Je peux enfin me rhabiller et quitter la salle de torture et me diriger vers la caisse, la mine un peu moins triste, le cœur ayant retrouvé un battement normal, avec mes 2 minuscules bouts de tissus sous le bras. Lorsque la caissière me demande le nom de celle qui m’a aidé, j’arrive rapidement à identifier celle qui m’a soutenue dans ma longue démarche.

Quand vient le temps de payer (miracle !), je n’ai pas besoin de laisser un rein en garantie. Il m’en reste même pour m’acheter des gougounes.

En solde évidemment…

jennifer-signature-02-jpg                          verifiedjenevieve

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