Ça fait des semaines, voire des mois, que j’essaie de peindre un portrait de toi pour te sortir de ma tête. J’essaie de composer l’esquisse avant de la coucher sur papier ; décider des couleurs, des ombres, des formes, mais tu demeures insaisissable. Alors j’essaie de peindre un portrait de toi qui serait plutôt fait de mots, même si une simple suite de phrases bâclées ne te rendrait pas justice.
Tu es contradictions et, par conséquent, tu n’es rien et tout à la fois. Tu es silence et cris. Tu es lumière et noirceur. Tu es équilibre et vertige. Tu es sobriété et ivresse. Tu es droiture et laisser-aller. Tu es en cage, mais tu t’envoles, même s’il me semble que tu pourrais aller encore plus haut, comme vers l’infini. Tu es fort, mais tellement fragile. Tu es solide et pourtant brisé. Tu. Es. Vivant.
Il y a une telle conviction dans ta manière d’incarner chaque instant, tant d’existence dans ta présence, même silencieuse, que le vide né de ton absence semble abyssal et suffocant.
J’imagine tristement que cette manifestation intangible de toi sème parfois une certaine controverse. J’imagine que, pour certains, même dans ce silence, tu parles trop fort. J’imagine qu’on a dû te demander de te taire souvent… trop souvent. J’imagine qu’on a trop souvent choisi de t’ignorer pour rependre un peu de la place que tu saisis sans trop la vouloir ni savoir quoi en faire. Mais, mon cœur, ce n’est pas toi qui prend la place, c’est la place qui te prend toi ; comme si la vie voulait être faite de parcelles de toi et que les molécules de l’air voulaient fusionner avec ton esprit singulier. Comme si le monde se précipitait dans tes mains dès qu’elles sont ouvertes et que, maladroit et prudent, tu cherchais à le déposer par peur de le briser. Je crains que tu ne saches pas à quel point tu es digne de tenir ce monde du bout des doigts ; à quel point, s’il y avait bel et bien un Créateur, tu serais sa plus grande fierté. Toi aussi tu es fier, tellement fier, et pourtant incertain. Tu es affection et bienveillance, tout autant que riposte et insurrection. Tu es paix et combat. Tu es douceur et violence.
Tu as ce pouvoir surhumain de transformer le temps en espace et de transformer l’espace en tangible ; tu transmets un peu de toi à l’invisible. Tu es partout. Tu habites tout. Tu fais tout vibrer dans une symphonie métaphysique.
Je suppose qu’à ne point comprendre le trajet parcouru entre une partie de toi et l’autre extrémité, tu peux être trop souvent inquiété par une arrogante solitude que tu continues de construire et déconstruire. Mon cœur, il n’est pas donné à tout le monde de savoir apprécier le spectre des possibilités offertes par la plus pure humanité, de savoir trouver belle l’incertitude, et encore moins de l’aimer.
Saches que ceux qui te résistent sont les plus tristes. Saches que ceux qui s’abandonnent à ta gravité le feront sans fin et joyeusement, intensément, sans s’en excuser. Saches que ceux qui t’aiment, t’aiment tout entier. Saches également que je fais partie de ceux-là, que je gravite autour de toi, même si tu ne souhaites pas capturer de satellite. Tu es liberté.
Texte par Claudie Saulnier