À toi qui t'inquiètes

À toi qui t’inquiètes, puisque je quitte le nid familial

Je sais que mon départ en appartement t’inquiète; je sais que tu as peur de tant de choses. Je ne suis pas la plus vieille des enfants et je suis pourtant la première à quitter. Je sais que tu crains que je manque d’argent, que je ne mange pas à ma faim. Je sais que tu crains que je n’y sois pas heureuse et que tu ne puisses pas le voir. Je sais que tu redoutes aussi qu’on ne se voit plus autant, que je ne passe pas vous voir, que je n’appelle pas souvent.

Je sais que l’idée que je quitte, que je ne sois plus là aux déjeuners, aux soupers ou tout simplement dans ma chambre, en arrière-plan des activités familiales, te chamboule. Il est évident que l’inconnu effraie souvent.

Je comprends aussi que tu as eu un parcours différent, que tu n’es pas partie en appartement jeune. Tu es plutôt restée près de tes propres parents avant d’emménager dans une maison, encore nôtre présentement, une fois mariée.

Je ne suis pas cette lignée, je tente mes propres choix et je comprends que ces différences peuvent faire peur.

Je comprends toutes ces inquiétudes. Malgré tout, je t’avoue avoir été un peu offusquée que tu ne démontres pas davantage de confiance en mes décisions. Comme si tu étais sûre que mes projets n’allaient pas fonctionner. Du moins, c’était mon impression au départ.

Je crois que l’idée s’est tranquillement tracée un chemin et que tu t’y fais peu à peu, désormais. Je suis contente qu’on en parle et qu’on planifie un peu ensemble, malgré tout.

J’aimerais donc que tu saches que je vais bien et que j’irai bien. Que ce sont mes choix et que, bien que différents des tiens, ils sont valides et que je les assumerai.

Sache aussi que je n’ai pas quitté puisque je n’étais pas bien ici. Sache que je ne manquais de rien. Je te rassure : j’avais ce dont je désirais et je suis reconnaissante de tout ce que tu m’as offert (bien que parfois, je ne le démontre pas assez), mais il m’apparaissait temps, pour moi, de quitter la maison et d’avoir mon petit chez-moi.

J’aimerais aussi te dire, te prévenir en quelque sorte, qu’il est fort possible que je manque parfois de quelques trucs. Qu’il est fort possible que j’en aie échappés, bien que j’aie tenté de prévoir le plus d’éléments possibles, avec ton aide d’ailleurs. J’aimerais te prévenir qu’à tes premières visites, tu trouveras peut-être qu’il me manque bien des choses, que l’appartement est vide, ou peut-être bien trop rempli. Sûrement que le confort sera différent qu’à la maison.

Pis c’est correct ainsi.

Il est possible que je n’aie pas pensé à tout et que je me retrouve, un beau matin, dans quelques semaines, sans ce fameux truc que je n’aurai pas. Je devrai probablement courir à la pharmacie, au dépanneur ou à l’épicerie une couple de fois.

Pis c’est correct. Je vais être correcte.

Sophia Bédard

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