Les ostie de pouces en l’air et les cœurs qui font flasher ton écran de cellulaire sans arrêt pour te rappeler que tu as un faux-ami de plus qui trouve ta photo TELLEMENT belle.
Les ostie de mentions j’aime qui existent pour te remémorer que la vie que tu t’efforces de créer est si magnifique et si parfaite
Ou pour te relancer que ton existence est de la merde, qu’elle ne vaut pas grand-chose et qu’il n’y a pas un criss de chat qui espérerait être dans tes bobettes de prétrentenaire à la poursuite de la popularité que tu n’as jamais pu savourer plus jeune.
Et tout ça, à travers l’écran de ton téléphone portable dernier cri qui te coûte la peau du cul parce que tu voulais TELLEMENT avoir le plus récent du magasin qui s’identifie comme la plus grosse pomme du marché.
« Dans le fond, être famous sur les réseaux sociaux, c’est comme être riche au Monopoly. »
C’est ce que tu avais trouvé de mieux pour comparer l’ostie d’addiction que tes jeunes de secondaire 5 possédaient envers la toute nouvelle app’ de l’heure :
Cette application sur laquelle il est uniquement possible de publier des photos et des courtes vidéos.
C’était une classe d’anglophones en immersion francophone, alors ça a pris un peu plus de temps que prévu pour qu’ils comprennent le second degré à cette phrase.
Cette phrase que tu peines encore à appliquer dans ton quotidien.
Cette phrase que tu te répètes constamment quand tu partages le cliché de toi que tu trouvais TELLEMENT beau avec les mille et un filtres que tu lui avais ajoutés, mais qui ne semblent pas avoir l’effet escompté sur ton compte.
Pourtant, l’heure de ta publication respecte les algorithmes.
Pourtant, les hashtags choisis pour accompagner ta photo sont les plus populaires que tu pouvais sélectionner.
Pourtant, tu as aimé la photo de plus de gens en vue de récolter plus de cœurs sur la tienne.
Pourtant, tout le monde à qui tu avais demandé le trouvait beau, ton portrait.
Peut-être pas, finalement ?
Supprimer.
Et là, les questions de ton entourage fusent de partout :
« Pourquoi tu l’as supprimée ? »
« La photo est écœurante, vous êtes beaux et amoureux ! On s’en fout, des likes ! »
« On s’en sacre, de l’opinion des autres ! L’important, c’est que tu l’aimes, toi ! »
« Tu montres à tes élèves comment se faire confiance. Pourquoi tu ne suis pas tes propres conseils ? »
Ces affirmations sont toutes vraies et tu le sais.
Sauf que ton désir jamais totalement comblé d’être aimée t’empêche de te sortir la tête de l’eau quand tu t’aperçois que tes mentions j’aime s’accumulent seulement à une à chaque quatre minutes.
Tu avais préparé ce post depuis déjà quelques semaines :
Tu avais sélectionné une belle citation, mais pas trop cheesy non plus pour ne pas donner l’impression d’être liche-cul,
Tu avais identifié l’endroit où vous étiez : une destination dans un trou perdu lors de vos premières vacances d’été ensemble,
Et tu avais déjà sélectionné quel jour tu appuierais sur le bouton « publier ».
Finalement, 180 minutes après avoir dévoilé au grand public cette image, tu vas t’endormir un peu trop tard
Et en espérant que plus de cœurs se seront entassés en dessous de ta cheesy quote afin d’atteindre un chiffre que tu considères comme ayant du bon sens.
Ah, les ostie de likes…
One Comment
Denis Pageau
bon matin,
OHBOBOY, ohboboy,ca décoiffe de lire cette article ce matin ,si la majorité des gens lisais cette réflexion que cette magnifique ,écrivaine prend le temps et a choisi tellement bien les mots exact ,pour décrire la situation que l on vie en 2021,
merci Shany