Je pourrais commencer cette critique comme la plupart des autres que j’ai faite jusqu’ici. En allant droit au but pour expliquer ce que j’ai aimé ou non de ce livre.
Mais dans ce cas-ci, c’est plus difficile.
Parce que je ne sais même pas si mes mots sauront rendre justice à toute la beauté de cet ouvrage. Si j’arriverai à exprimer correctement toutes les émotions ressenties pendant ma lecture, que j’ai volontairement étalée sur plusieurs jours.
Parce que j’avais sens cesse besoin d’un moment pour réfléchir, pour analyser, pour comprendre. Pour souligner des passages, parce que oui, certains méritaient d’être colorés, afin que je puisse rapidement les retrouver lorsque j’aurai envie de relire certaines phrases à nouveau.
Marie, le personnage principal, est recherchiste pour la télé québécoise depuis 20 ans, comme son autrice. Je ne sais pas à quel point ce roman est autobiographique, mais je crois qu’il raconte trop bien le quotidien d’une femme qui a craqué devant sa trop longue liste de responsabilités pour que cette histoire soit purement fictive.
On y raconte avec beaucoup trop de vérité la chute d’une femme au bout du rouleau, qui voit son monde s’effondrer. Qui cherche un sens à sa vie et une raison au burn-out qui s’est infiltré de manière insidieuse, mais intense à son quotidien. Une femme qui veut comprendre d’où vient sa quête de performance, et surtout, comprendre pourquoi le poids est si lourd sur les épaules de la gent féminine de notre âge. Parce que oui, à l’aube de mes 40 ans, je me suis sentie très interpellée par ses questionnements et ses prises de conscience.
Dans ce roman d’exception, on suit pratiquement toutes les étapes de la dépression de Marie. Son quotidien effréné, sa chute, sa léthargie, sa reconstruction, sa quête de paix intérieure, ses réflexions. Certaines de celles-ci sont d’ailleurs imprimées dans tête et dans mon coeur.
Je me suis tellement reconnue dans la personnalité de Marie, que ce soit dans sa façon de toujours chercher à obtenir l’approbation des autres ou encore son envie de toujours mettre de l’avant la meilleure version d’elle-même. Mais je me suis aussi reconnue dans ses tourments, ses failles et sa façon de voir les choses, pas toujours rose.
Étant donné le sujet, ce livre pourrait paraître sombre et déprimant. Ce n’est peut-être pas le roman que j’aurais lu sur le bord de la plage pendant un voyage dans le Sud. Mais c’est celui que je conseille maintenant à toutes les femmes de ma génération. Les références au passé, à ses lectures marquantes, à Virginia Woolf et au référendum de 1995, entre autres, m’ont rappelé à quel point tous ces événements ont laissé des traces dans nos existences depuis 40 ans.
Je ne sais pas si c’est parce que j’ai entrepris récemment une thérapie moi-même (j’y reviendrai sans doute un jour, peut-être), mais si je dois nommer une seule phrase qui m’a marqué, c’est celle-ci : “Est-ce que ça se peut que ce soient précisément tes mécanismes de défense qui te tuent?”
Quand j’aime un livre qui me plaît beaucoup, je ressens toujours un certain deuil à la fin de ma lecture, d’où la raison pour laquelle j’essaye d’étirer celle-ci le plus longtemps possible.
C’est ce qui est arrivé avec Au pays du désespoir tranquille, mais lorsque je suis arrivée aux derniers chapitres j’ai soudainement ressentie une urgence de le terminer.
Parce que c’était trop. Juste trop.
Son passage où elle dit que “les petites filles sensibles sont devenues des femmes performantes, en conformité avec le projet social. Efficaces. Partout. Tout le temps. Jusqu’à oublier d’être bien” m’a scié en deux. Et j’ai compris que j’étais comme elle. Et que je devais faire attention à ne pas glisser du côté obscur de ma vie.
J’ai tourné les dernières pages les yeux dans l’eau.
Et j’ai compris que je venais de lire un grand livre, une histoire qui m’habiterait longtemps.
Merci Marie d’avoir su mettre des mots aussi bien chorégraphiés sur mes états d’âme.
Merci aux Éditions Stanké pour la copie de presse.