un appel par jour

Un appel, chaque matin

Chaque matin, c’est pareil. Je me lève, jamais vraiment à la même heure et j’appelle mon papa. Si je l’appelle avant 8h30, je sais qu’il est probablement en train de déjeuner. Deux toasts au beurre de peanuts. Je l’appelle toujours le matin, sinon je sais que je risque probablement de le déranger pendant sa sieste. Oui, il dort souvent l’après-midi pour se reposer.

Mon papa a vraiment un horaire fixe. Presque toutes ses journées sont pareilles. C’est quelque chose que je trouve vraiment drôle, mais aussi très mignon. Si je l’appelle vers 11 h 30 ou 12 h, il est probablement en train de préparer son dîner. Mon papa aime manger aux mêmes heures, chaque jour. Il soupe à 17 h, c’est non négociable.

Il y a quand même des journées qui sont différentes. Il me dit toujours la veille que, le lendemain, il ne sera pas à la maison puisqu’il aura un rendez-vous à l’hôpital. Ses rendez-vous sont souvent le matin et, pendant le reste de la journée, il se repose et il fait des siestes. Ce sont les seules journées où je ne parle pas à mon papa. Et le week-end aussi, puisqu’il est avec ma mère et qu’ils font leurs commissions.

Le vendredi, c’est une journée spéciale. Mon papa se lève et commence le ménage de l’appartement. Il le fait pour décharger ma maman durant le week-end. Il fait aussi des commissions de temps en temps, mais ça dépend des journées et de la température. Il est presque réglé comme une horloge et ça me fait rire à chaque fois que je l’appelle.

Je ne sais pas depuis quand on a cette habitude, mais c’est quelque chose que j’aime vraiment beaucoup. C’est notre moment à nous deux. Un 10 ou 15 minutes précieux. Si un matin j’oublie de l’appeler (ce qui arrive quand même rarement et c’est souvent un matin où je me lève beaucoup plus tard), il va m’appeler et me demander « Est-ce que ça va ? Est-ce que tu m’as oublié ? » Je trouve ça drôle à chaque fois.

Avec ma maman, c’est différent. Quand on s’appelle, c’est une à trois fois par semaine et parfois plus. On parle de 30 minutes à 2 heures. Avec elle, on a toujours des choses à se dire.

Mais avec mon papa, on ne parle jamais longtemps, sauf quand il a besoin que je lui explique quelque chose sur son téléphone ou bien s’il m’explique quelque chose de manuel, comme quand je fais sauter le disjoncteur. Là, ça dure beaucoup plus longtemps. En temps normal, on parle de la température. S’il va faire froid ou s’il va neiger dans la journée ou dans les jours à venir. Il va me parler de ma voiture, me demander si elle est bien déneigée ou si j’ai un rendez-vous au garage et si c’est le cas, il veut savoir tout ce qu’ils ont fait. On parle beaucoup de télévision, on écoute souvent les mêmes séries et on aime parler et se donner nos impressions.

Mon papa, le matin, il se lève vers 5 h, donc il écoute toujours Paul Arcand au 98.5 FM. Dernièrement, on le sait, à la radio, on n’entend jamais de très bonnes nouvelles. Mon père et moi, on parle beaucoup d’actualité et puisqu’il écoute la radio très tôt le matin, il me met à jour avec certaines nouvelles de la veille. On échange sur des enjeux, on parle aussi des derniers documentaires judiciaires qui sont sortis. C’est une de nos passions communes d’écouter des documentaires. On s’appelle dès qu’il y en a un nouveau qui sort.

Chaque matin, je profite du moment présent. Avoir un papa malade, c’est toujours être dans l’incertitude. Mais j’essaie de ne pas y penser, de juste profiter de l’instant présent. Le fait de lui parler chaque matin est une tradition que je ne suis pas prête à arrêter. J’ai passé ma vie à craindre de perdre mon père. La maladie est dans nos vies depuis presque aussi longtemps que je suis née. Mais depuis quelques années, je profite beaucoup plus et la peur prend beaucoup moins de place. C’est impossible d’oublier à 100%, mais je préfère focusser sur le beau de chaque jour qui passe, plutôt que de penser à demain qui, de toute façon, est incertain pour tout le monde.

Alors, chaque matin, j’appelle mon papa et c’est comme ça que mes journées débutent.

signature Karine
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