Ce matin-là, en poussant les portes de l’immeuble et en l’apercevant instantanément au milieu de cette foule, je me suis retrouvée subitement à 13 ans, dans sa classe, dans mon passé.
Manon Leblanc.
Synonyme de rêve, de bonheur.
Son existence dans la mienne a eu une incidence importante dans mon parcours de vie, dans la définition même de qui je suis devenue.
C’est elle qui a semé le bourgeon de ma plus grande passion; l’écriture.
J’étais en secondaire 1, essayant de me tailler une place dans ce nouvel environnement hostile qu’est l’adolescence. Avec mes éternels questionnements et l’impression de n’être qu’un simple pion de plus dans le jeu de la vie, cette jeune enseignante m’a ouvert les yeux sur le monde de la création et de l’espoir d’exister, de laisser sa trace.
J’étais une simple fille, aimante de la vie, qui avait besoin d’un modèle, d’une oreille attentive, et en elle, j’ai trouvé tout cela.
Je la regardais, devant la classe, armée de confiance en soi et d’optimiste et je ne pouvais qu’espérer devenir aussi épanouie qu’elle.
Ma belle Manon, souriante, attachante, inspirante.
Encore aujourd’hui, lorsque j’écris, j’entends les conseils qu’elle me donnait; utiliser des synonymes, éviter le mot «chose», être authentique.
Grâce à elle, je suis devenue éditorialiste pour le journal étudiant. Elle a cru en moi, plus que je croyais en moi-même.
J’ai adoré l’expérience, rassembler les textes, façonner le journal, varier les sujets, écrire. J’étais enfin dans mon élément, dans un paysage qui me fascinait, qui me grandissait.
La poésie et les textes personnels sont devenus mes meilleurs amis, mes confidents. Durant ces années-là, j’ai écrit à chaque semaine, mes états d’âme, mes peurs, mes aspirations. Mon amour pour tout, mais surtout mon amour de l’amour.
L’amour m’a toujours enflammé.
Un bel héritage qu’est l’écriture. Une empreinte émotionnelle inscrite à jamais sur une page, des pages.
Indélébile comme le fantôme qui m’a suivi durant toutes ces années où j’ai perdu de vue ma mentore, partie enseigner dans un autre établissement scolaire.
Le choc de son départ m’avait ébranlé, déraciné… mais le bien était déjà fait…
Elle m’a suivi malgré tout, en pensée, en souvenir, en rêve. C’était mon alliée secrète et à chaque fois que je créais un texte, je l’écrivais en l’ayant en tête, en me disant qu’elle serait fière de me lire.
Puis, Facebook a fait son apparition et je l’ai retrouvé! Nous avons reconnecté au travers de nos publications, de nos photos. Le temps n’était nullement passé pour notre relation. Elle était restée intacte, à l’abri des intempéries des silences qui avaient existé sans qu’on se parle.
Donc, indéniablement, lorsque j’ai vu que le printemps du livre de Mascouche accueillait des auteurs Lanaudois, et que ma Manon Leblanc en faisait partie, je ne pouvais passer à côté de cette opportunité pour retrouver celle que j’ai chéri et adulé presque toute mon existence.
Alors, j’y étais. Et elle y était. Entourée de son aura éblouissante, au milieu de tous ces gens rassemblés. Lumineuse comme dans mon souvenir. Et surtout inconsciente du fait que je viendrais la voir…
Son visage, son expression lorsque nos yeux se sont croisés, la seconde où nos âmes se sont reconnues. La Terre qui a arrêté de tourner. Nous étions seules, à nouveau.
Enfin, presque, car j’avais mes deux enfants avec moi. Mes deux passions, mes deux amours.
J’en ai profité pour acheter un bout d’elle, un autre de ses livres; Dans le rouge du ciel. Je le lirai, par petits jets, pour étaler mon plaisir, la chance de la redécouvrir au travers de ses écritures.
La fin de l’année scolaire vient de s’achever pour mon fils. Je lui souhaite un jour de croiser un professeur ou une professeure qui saura l’inspirer de la sorte.