Peine d'amour

Ce que j’aurais voulu qu’on me dise lors de ma première peine d’amour

J’avais 14 ans lorsque mon premier chum m’a laissé après 4 mois de relation.

4 mois à voir s’allumer les premières étoiles dans mes yeux, à m’émerveiller de voir ses doigts entrelacés entre les miens.

4 mois à écrire son nom dans les marges de mon agenda et à devenir gaga juste à le prononcer.

4 mois à apprivoiser les petits papillons dans mon ventre. Ceux qu’on pense réservés aux autres ou aux vedettes du cinéma.

Quand il m’a laissé, c’est comme si un coup de couteau m’avait effleuré la peau et qu’une brèche s’était creusée dans mon cœur.

Une seule phrase jouait en boucle dans ma tête : «Il ne m’aime plus». J’avais l’impression de regarder une grosse enseigne lumineuse qui ne faisait que flasher ces mots en permanence sans me laisser une seule minute de répit pour penser à autre chose.

J’ai pleuré pendant des heures. Pendant des jours, des semaines.

Je pense que ma peine allait au-delà du rejet et du fait qu’il me quittait. Je pleurais parce que je venais de découvrir que l’amour, ça pouvait faire mal. Pis que personne ne m’avait avertie qu’on pouvait en souffrir autant.

Ma mère a été à l’écoute de mon chagrin en me flattant les cheveux. Je me souviens que le soir où je me suis fait sacrer là, elle est venue dans ma chambre pour m’offrir un livre (je lisais déjà beaucoup à cette époque). Un petit roman qu’elle m’avait acheté dans la journée, sans se douter qu’au moment où elle allait me le donner, j’allais juste avoir envie de le sacrer au bout de mes bras parce que le sujet était une histoire d’amour d’adolescents.

Ce livre, dont le nom m’échappe, racontait les souvenirs de 3 filles qui avaient eu un kick sur le garçon le plus populaire de l’école, décédé trop jeune. Je l’ai dévoré en 24 h, afin de m’anesthésier et oublier ma peine le temps de quelques pages. Mais rien à faire, l’enseigne lumineuse continuait de clignoter dans mon cerveau «Il ne m’aime plus».

Mes parents ont été présents, je mentirais de dire que ma peine les a laissés indifférents. Ma mère m’a consolée, mon père m’a maladroitement laissé entendre qu’il comprenait, sans trouver les mots pour m’apaiser. Je ne leur en veux pas. Quand t’as le cœur en miettes, c’est difficile de trouver les mots que tu aimerais qu’on te dise. Et c’est aussi difficile pour les autres d’essayer de te les faire entendre.

Ils se sentent impuissants, tu te sens incomprise. Des fois, ils y arrivent et d’autre fois, tu t’en veux de les voir tout essayer alors que tu n’arrives juste pas à prendre le dessus.

Avec le recul, je n’arrive pas précisément à déterminer quelles paroles m’auraient apaisé. Je sais que les phrases toutes faites comme «le temps arrange les choses» ou «pleure un bon coup, ça va te faire du bien» sont toujours de mise et vraies.

Mais on dirait que j’aurais eu besoin d’un peu plus que ça.

J’aurais aimé qu’on me dise que chaque fois qu’on prononcerait son nom, ça allait raviver la douleur comme du désinfectant sur une plaie.

J’aurais aimé qu’on me dise que c’est normal d’avoir envie de le revoir à tout bout de champ en espérant qu’il réalise à quel point je lui manque. Pis qu’on ne me dise pas que ça ne sert à rien d’essayer de tomber sur lui à des endroits stratégiques pour arriver à mes fins. J’avais besoin de le réaliser toute seule, pas qu’on me dise que je me faisais du mal pour rien.

J’aurais aimé qu’on me dise que ce n’est pas parce que je suis trop ci ou pas assez ça que je me suis fait laisser. Mais que c’est bien juste parce que l’amour est fragile et éphémère à cet âge et que j’ai encore trop de choses à vivre pour mettre mon bonheur entre les mains d’une seule personne.

J’aurais aimé qu’on me dise qu’il est possible que ça prenne du temps avant de guérir pis que c’est correct si je ne veux pas le croire sur le moment. Parce que quand t’as 14 ans, ce n’est pas à cet âge que tu trouves que le temps passe vite.

J’aurais aimé qu’on me dise que c’est sain de se faire volontairement du mal en essayant de savoir ce qu’il fait maintenant qu’on n’est plus ensemble. Surtout les premiers jours. Je sais que si on le fait encore après plusieurs mois, ça se peut que ce soit un signe qu’on a peut-être besoin d’aide, mais les jours suivants, ce n’est pas si grave selon moi.

Mais surtout, j’aurais aimé qu’on me dise que c’est vraiment dur, une peine d’amour. Dur pour un petit cœur de 14 ans qui n’a pas vraiment de vécu en termes de déception amoureuse.

Mais qu’on me comprend de pleurer, pis de penser que je ne m’en remettrai pas, même si ce n’est pas vrai.

Jennifer Martin
Jeneviève Brassard

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