l'avenir du passé

L’avenir du passé — partie 7

Il s’agit d’une histoire fictive en plusieurs partie, pour lire les précédentes, cliquez ICI.

  • Billie, va chez Richard et dis-lui de venir tout’ suite !
  • Pourquoi papa ?
  • MAINTENANT !

Ma mère était au travail, mon frère et moi, on était seuls avec mon père. On était en janvier. En janvier 1998, plus précisément. Crise du verglas au Québec. J’ai obéi à mon père et je suis allée chez mon voisin pour lui dire que mon père voulait qu’il vienne le voir. J’ai vu dans ses yeux son inquiétude. Moi, je ne comprenais rien. Quand on est revenus chez moi, à peine trois minutes s’étaient écoulées et mon père était étendu sur le sol du salon et il ne bougeait plus. J’ai figé.

  • Oui bonjour, on a besoin d’une ambulance au 7777 rue…

Dans ma tête, c’était le silence. Richard parlait au téléphone avec quelqu’un et bougeait mon père. J’ai eu l’impression que des heures avaient défilé avant que les ambulanciers arrivent et s’installent près de mon père.

Masque à oxygène.

Civière.

Ses yeux fermés.

Ce n’était pas la première fois que je voyais mon père dans cet état. Je me souviens d’un autre moment, j’étais encore plus jeune, j’étais dans le bain avec mon frère quand c’est arrivé. Mon oncle habitait avec nous, dans le sous-sol. Ma mère s’est mise à parler fort et ça se voyait qu’elle avait peur. Nous on jouait dans l’eau, mais je savais que ce n’était pas normal ce qui se passait.

Ma mère est arrivée au moment même où l’ambulance était sur le point de partir. C’est le chum de Richard qui est allé la chercher chez Rossy, là où elle travaillait, à quelques rues de la maison. Elle a embarqué dans l’ambulance, les joues rouges et les yeux vides. Richard nous a mis nos manteaux et nos bottes à mon frère et moi et on est allés chez lui.

J’avais mal au ventre. Je ne comprenais pas pourquoi j’avais si mal, mais aujourd’hui je sais que c’était le stress qui me dévorait de l’intérieur.

Mon père est revenu en fin de soirée avec ma mère et on est tous retournés à la maison. Il allait mieux. Mais dehors, c’était la catastrophe. On avait plus d’électricité. Ma mère a mis nos matelas dans le salon avec nos couvertures, nos oreillers et on a dormi les quatre ensembles, au chaud. Le lendemain, c’était encore la crise du verglas, mais mon père se sentait mieux et c’est tout ce qui comptait.

***

J’ai passé ma vie à attendre. Attendre que mon père ne soit plus. Il a toujours été malade. J’ai des bribes de souvenirs des moments où ma mère m’éloignait pour que je ne voie pas mon père dans un mauvais état. Traitements de chimio, cicatrices, bandages. J’ai encore les images dans ma tête. Mais il est encore là mon papa d’amour, il se bat encore si fort. Trente ans à se battre, c’est beaucoup.

Je me demande encore comment je ferais sans lui. Chaque moment est si précieux, je n’oublie jamais de lui dire quoi que ce soit. Je lui dis « je t’aime » mille fois et je lui raconte chaque petite chose. J’ai plein de souvenirs et j’en veux encore plus. Je sais qu’il est fier de moi, je suis aussi très fière de lui. Je ne veux avoir aucun regret en lien avec notre relation. J’en ai tellement des regrets, je ne veux pas qu’il en fasse partie, mon papa c’est mon héros, mon superhéros.

Les regrets… c’est tellement une des pires choses du monde entier. Mais j’en ai. Du haut de mes trente ans, j’en ai accumulé et oui, il y a plusieurs choses que je ferais différemment.

***

Je me souviens de ce matin-là. Mon bal des finissants du secondaire. Je n’avais aucune envie d’y aller, je ne voyais pas l’intérêt de fêter la fin du secondaire avec des gens qui m’ont fait vivre un calvaire. Pas tous, mais une bonne majorité.

  • Maman ! Regarde-moi, je suis dégueulasse.
  • On va essayer d’arranger ça à la maison.

Un osti de rouge à lèvres brun et les joues avec tellement de bronzer qu’on dirait que j’avais abusé du salon de bronzage. Ma mère a tout organisé pour que mon bal soit inoubliable. Un rendez-vous chez la coiffeuse et avec une maquilleuse. Mais la maquilleuse avait l’âge de ma grand-mère et son style était limité à un seul look… Après avoir payé 50$, ma mère m’a amené à la pharmacie pour que je m’achète un rouge à lèvres et un fond de teint qui seraient beaucoup mieux assortis à ma peau et à ma robe.

Mes parents ont fait ça en grand. Mes grands-parents étaient là, j’ai eu droit à une séance photo de caméra 35mm. Mon père m’avait acheté un bouquet de marguerites de toutes les couleurs. Ça, c’est le plus beau cadeau qu’on peut m’offrir. J’étais prête avec ma robe noire avec le bustier rose et une crinoline rose. Une robe qui arrivait aux genoux et qui montrait parfaitement mes souliers plats roses avec des cordons en ruban qui montait jusqu’en haut des chevilles. Un look de ballerine. C’était ça ma thématique. Il ne manquait que mon cavalier, parce que oui, j’étais accompagnée pour mon bal et c’était ça qui m’avait empêché de dormir et qui créait une boule immense dans mon ventre. Mon cavalier, mon meilleur ami, celui que j’aime et que je m’interdis d’aimer, ce soir nous nous rendons à mon bal et j’ai la chienne de ce qui pourrait arriver.

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