abus et agressions

ABUS, AGRESSIONS : à propos de mon témoignage

Il y a quelque temps, j’ai écrit un long statut Facebook et Instagram. J’ai fait un témoignage sur l’abus et des agressions que j’ai vécus. On est dans une période où on met collectivement le doigt sur les nombreux bobos de notre société et c’était important pour moi d’écrire tout ça. Je n’ai pas trop pensé à l’après, et il est arrivé assez vite. J’ai reçu près de 40 messages divers, en commentaires et en privé. J’ai senti de la pitié, mais surtout de l’empathie. Sur le coup, je ne comprenais pas trop. Mais oui, c’est immense pour une seule personne d’avoir vécu tout cela. Moi, j’ai « progress » chaque petit événement au cours de ma vie, mais garroché comme ça, en point form, c’est vrai que c’est GROS. Surtout quand je mentionne que ce n’est que « quelques événements ». J’ai pensé l’effacer. Surtout quand ma mère m’a dit ne pas avoir été capable de lire et que ça lui fait mal. Mais j’ai finalement pris la décision d’en faire un texte, pousser plus loin ce statut, pour qu’il reste. Pour que cette trace soit encrée aussi ici, sur mon blogue. Pour que les injustices que j’ai vécues ne soient jamais oubliées. Parce que ces injustices, on est beaucoup trop à les avoir vécues. C’est fini le temps où on se taisait, la peur est encore là, oh oui, mais nos voix, ensemble, collectivement, ont plus de force. Ceci est mon témoignage, une partie de ma vie, mais pas l’entièreté. Lisez jusqu’au bout, parce que la fin est quand même heureuse !

De mes 33 années de vie, j’ai vécu plusieurs situations que personne ne devrait vivre. Des choses qui m’ont marquée. De l’abus et aussi des agressions. Je vous raconte, en bref, quelques-unes de mes histoires.

À 12 ans, j’ai vécu une agression sexuelle. Un viol collectif. Parce que c’est comme ça qu’on appelle ça, faut croire. Un inconnu, avec ses amis, dans une ruelle. Je n’en ai jamais parlé à mes parents. Ils l’ont su longtemps après, via un texte que j’avais écrit sur un blogue en 2015. J’ai donc jamais dénoncé mes agresseurs. C’était ma faute, j’avais un trop grand décolleté, mes pantalons étaient trop moulants, j’ai accepté qu’il me ramène chez moi de la maison des jeunes. Trois rues à pied seulement. J’le trouvais beau, j’étais naïve. Tsé, j’avais couru après (c’est ce que je croyais). Mais non. J’ai gardé le silence, j’ai soigné mes blessures en cachette. Ça a été long avant que je comprenne que ce n’était pas ma faute. À 12 ans, tu ne sais pas vraiment ce qu’est une agression sexuelle. Ma relation avec mon corps et la sexualité a été difficile à gérer par la suite. Encore aujourd’hui, mon sujet principal en thérapie c’est cette agression et la gestion de ma vie sexuelle. 21 ans plus tard…

J’ai fait ma première tentative de suicide à 16 ans parce que c’était trop lourd à porter. J’ai raconté mon histoire pour la première fois à 25 ans à deux amies. Ça m’a un peu soulagée, mais je pense pas qu’on guérit pour vrai un jour.

Dans ma vingtaine, j’ai couché avec des hommes et des femmes sans trop avoir de plaisir. Je me forçais parce qu’il fallait que je « réussisse » à aimer ça. Le sexe, c’est tellement important (sarcasme). Je voulais être normal, comme mes amies. J’ai accumulé les histoires d’un soir. Ma première relation sérieuse m’a aidée à m’épanouir un peu, mais j’avais toujours l’impression de « me forcer » même si c’était toujours consenti.

J’ai déjà vécu des moments où des hommes étaient un peu trop insistants. Des hommes qui malgré mon « non » insistaient en baladant leurs mains partout sur mon corps en me promettant « que j’allais aimer ça et qu’ils étaient certains que dans l’fond ça me tentait ». J’ai deux noms en tête. Peut-être plus me reviendront. On disait de moi que j’étais sensuelle et que je dégageais le sexe. Ok.

J’ai aussi travaillé dans un aréna, j’étais la seule fille de l’équipe et le vendredi soir je closais seule. J’étais seule avec 20 hommes. Des ligues de garage. Un soir, après avoir fermé la porte de la patinoire, je me suis installée comme à mon habitude dans l’infirmerie pour faire mes travaux d’université. Un des gars en a profité pour entrer, fermer la porte derrière lui et me sauter dessus. Il était toujours gentil avec moi et, oui, il était beau. Mais je n’avais pas du tout envie de coucher avec lui, vraiment pas. Il m’a tripotée et a essayé de me déshabiller malgré le fait que je me débattais et lui disais non. Il a d’ailleurs déchiré mon chandail tellement il était fort. Il s’est finalement détaché de moi en me traitant d’agace. Pourtant, j’étais pareil avec tout le monde au niveau du service à la clientèle, c’était pas une invitation. J’ai appelé un collègue de travail qui est venu me rejoindre aussitôt. J’ai porté plainte auprès de mon employeur qui m’a suggéré de ne pas porter plainte à la police et qu’il s’en occuperait. Ouin… pour pas perdre le $$, mon patron leur a permis de finir la saison en me changeant d’horaire et, l’hiver d’après, leur ligue de garage a été transférée d’aréna. Je n’ai plus travaillé seule après ça et j’ai été moins « familière » avec les joueurs.

J’ai aussi vécu du harcèlement psychologique d’une patronne durant deux ans. J’ai tenté de me suicider deux fois à cause d’elle. À force de se faire dénigrer, se faire dire qu’on est nul, qu’on sert pas à grand-chose, ça brise quelqu’un. Malgré mes dénonciations à son supérieur, qui était aussi le mien, rien ne changeait et il ne voulait pas me déplacer dans l’organigramme. Il n’est jamais intervenu auprès d’elle parce qu’elle parlait fort. Il m’a d’ailleurs dit « prends ça comme une expérience ». Lui-même, par la suite, après avoir fini par changer de patron (grâce à une coïncidence) s’est acharné sur moi en m’intimidant, en critiquant ma vie personnelle, usant de son pouvoir dans sa gestion. C’était devenu toxique. Je suis tombée en dépression et j’ai été en arrêt de travail sept mois où il a continué de me harceler au début. Des questions non pertinentes et désappropriées dans ma situation. Pourtant, il n’avait pas le droit de me contacter puisque c’était le boulot des RH de le faire, au besoin. À mon retour, il m’a ignoré et me regardait de haut. Quelques mois après, j’ai postulé dans un poste ailleurs dans l’organisation et je suis partie, libérée. Arrivée à mon nouvel emploi, j’ai dû m’adapter. J’avais des séquelles de mon ancien emploi et mes nouveaux patrons ne comprenaient pas trop mon comportement qui reflétait peu de confiance en moi. Ça a été́ long avant que mon estime au travail remonte et j’ai eu la chance d’avoir des employeurs qui m’ont aidée et qui me faisaient confiance au quotidien. J’ai réussi à me reconstruire dans un milieu humain dans lequel je me sens encore aussi bien aujourd’hui.

J’ai aussi vécu de l’abus de pouvoir et de l’intimidation au sein d’un blogue pour lequel j’écrivais et auprès d’anciennes amies. J’ai aussi été témoin, sans être capable de lever le flag. J’ai aussi fait des erreurs, je me suis souvent mal exprimée, j’ai déjà parlé en mal d’une personne à cause de la colère dans son dos, et j’ai aussi cru les mauvaises personnes. J’ai fait vivre ma douleur à des personnes que j’aimais et j’ai transféré des émotions qui n’appartenaient qu’à moi. On doit tous faire une introspection sur nous-mêmes, peu importe ce qu’on a vécu dans notre vie, et tenter de changer.

J’ai commencé la thérapie durant ma dépression et je n’ai jamais cessé depuis, in et out, mais toujours un suivi serré avec ma psychiatre. J’ai une médication qui m’aide à affronter les trous noirs et les périodes où la vie est loin d’être rose dans ma tête comme dans mon cœur. Mais j’ai les outils nécessaires pour me battre. J’ai cessé de survivre et j’ai commencé à vivre.

Il y a de l’abus partout et c’est important qu’aujourd’hui, maintenant, on dénonce, qu’on partage nos expériences pour que ça change.

Aujourd’hui, j’ai 33 ans et je vais bien malgré toutes les épreuves, les séquelles resteront toujours pas trop loin, mais je vous jure que maintenant, quand je souris, c’est pour de vrai.

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Karelle Gauthier

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