Je pensais jamais réécrire un texte qui s’adresse aux éducatrices. (Tu peux lire les précédents ICI, ICI et ICI)
Ayant quitté la profession il y a maintenant plus de 3 ans (j’en parle aussi ICI), j’ai tout donné, et pratiquement tout dit à propos de cette vocation que j’ai eu pendant 20 ans et que j’ai pourtant délaissé sans (presque) un regard en arrière.
Mais cette semaine des éducatrices vient réveiller ce feu que je croyais éteint.
Déjà qu’on leur consacre une semaine, c’est déjà quelque chose, mais que celle-ci soit de plus en plus connue de tous, ça me donne un peu d’espoir. Par contre, ça va prendre plus qu’une semaine dédiée par année pour faire oublier toutes les autres où nous étions invisibles.
J’ai été éducatrice pendant 19 ans. Et pourtant, on m’a déjà dit que je pouvais fièrement affirmer que j’ai été 20 ans dans la profession. Mais je ne le dis jamais. Parce que je ne l’ai pas fait cette vingtième année et je ne prétendrai pas le contraire.
J’ai quitté avant parce que le métier ne me convenait plus. Que j’avais envie de faire autre chose et de relever d’autres défis. Que les conditions ne me permettaient plus d’envisager l’avenir d’un oeil positif, et que c’était maintenant ou jamais que je pouvais espérer faire le saut avant qu’il ne soit trop tard.
Mais je m’égare. Je ne suis pas là pour parler de moi, mais bien pour parler des éducatrices.
De leur travail, de leur dévouement. De leur présence essentielle dans la vie de vos enfants, mais dans la vôtre surtout. Parce que je vous annonce que ce ne sont pas les enfants qui ont besoin des éducatrices, mais bien les parents.
Les garderies n’ont pas toujours existé.
Au lieu des groupes de 8 enfants, ce sont des familles de 8 et même 10 enfants qui séjournaient sous un même toit. Les mères ne travaillaient pas et élevaient leur progéniture sans trop se plaindre. Heureusement, elles ont pu gagner le droit de travailler, de sortir de leur maison, mais ce droit si chèrement acquis n’a pas été sans sacrifice. Elles doivent maintenant envoyer leurs enfants à la garderie pour conserver ce choix. Je ne me lancerai pas dans le débat du partage des tâches et des papas qui s’impliquent, ce n’est pas le sujet de cet article.
J’essaye simplement de vous faire comprendre que sans éducatrice, il n’y a pas de garderie.
Alors pourquoi on ne prend pas plus soin d’elles? (Oui, c’est encore un métier majoritairement féminin)
Est-ce que vous savez à quel point c’est un métier difficile? Combien connaissez-vous de personnes qui accepteraient de passer une semaine dans un local avec 8, parfois 10 enfants avec des besoins différents et/ou particuliers?
Qui accepteraient de se faire vomir, morver, éternuer dessus sans jamais se plaindre et en nettoyant tout en s’efforçant de garder le sourire?
Qui accepteraient d’avoir un salaire qui ne leur permet pratiquement pas de bien vivre seule à moins d’avoir un logement à prix décent ou d’avoir des goûts très modestes?
Qui accepteraient de refaire la même routine, jour après jour, année après année parce que les moyens sont limités et que le gouvernement ne veut pas tellement qu’elles sortent du cadre imposé?
Qui sauraient trouver les bons mots, les bonnes interventions et les bons soins en cas de grosses peines, de comportements problématiques et de blessures?
Qui contribuent de façon cruciale au développement cognitif, social et émotionnel des enfants?
Qui accepteraient 1001 choses difficiles au nom de l’amour qu’elles portent aux enfants?
Faites l’exercice pour voir… il risque d’y en avoir beaucoup moins que vous ne le pensez.
Les éducatrices prennent soin des futures générations. Elles préparent les prochains.es médecins, les prochains.es entrepreneurs.es, les futurs politiciens.nes…
On leur doit le respect, mais surtout de la reconnaissance.
Et pas une seule semaine par année.
Bonne semaine à toutes les éducatrices. Je suis encore des vôtres malgré tout, et je vous admire encore plus.