Dans ma presque nudité, je suis marquée au crayon indélébile. La plupart des gens que je connais ne le sauront jamais, comme si je menais une double vie. Je fais partie de ces malades invisibles, ceux qui perdent davantage de visibilité lorsque l’étiquette leur est finalement attribuée. Des maladies difficiles à diagnostiquer parce qu’elles ne sont pas quantifiables, qu’elles ne se voient pas dans un microscope. Je me nomme Audrey, j’ai 29 ans et je suis atteinte d’une maladie mentale.
Crédit photo : Maxime Sauriol
Invisible, et pourtant mon corps porte les marques de ma condition. Sur mes cuisses et mes côtes, j’ai des cicatrices de mutilations que je me suis infligées. Des cicatrices dont j’ai honte, qui résonnent en moi telles des témoins et preuves des maladies et traumatismes qui m’habitent. J’ai beau vouloir les maquiller ou les couvrir ou les ignorer, elles sont là pour rester.
Lorsque tu as une maladie mentale, il vient un moment où tu ne peux plus te fuir, parce que les symptômes finissent toujours par te rattraper. J’ai dû me regarder longtemps dans le miroir et à l’envers de celui-ci pour comprendre que je devais m’apprivoiser. Si ma maladie mentale pouvait parfois être une tare, elle pouvait aussi faire de ma vie une expérience unique et transformatrice, où mes faiblesses pouvaient être aussi des forces.
Crédit photo : Maxime Sauriol
Je ne dis pas que c’est facile et que j’ai réussi à m’accepter du jour au lendemain. Quotidiennement, je renégocie la perception que j’ai de moi-même et de mon environnement. Des fois, je me plante et je me laisse ensevelir ; je me ramasse à terre et j’ai l’impression que je n’y arriverai jamais. Et je regarde mes cicatrices ; je sais aussi que j’ai eu des passes beaucoup plus difficiles et que malgré tout, j’ai réussi à m’en sortir. Mes cicatrices me rappellent que je suis en vie et que j’ai fait ce choix chaque fois que je me suis relevée.
Crédit photo : Maxime Sauriol
J’ai toujours joué à la fille forte, celle qui ne s’agenouillait pas devant l’adversité, celle qui était toujours capable d’en prendre plus. J’ai longtemps porté des masques pour cacher ma fragilité et ma vulnérabilité aux autres parce que profondément, j’avais la chienne. Si je m’affichais réellement, avec mes bons côtés comme avec mes maux que j’avoue en un souffle et à demi-voix, je croyais qu’on me pousserait davantage en marge de la société. J’avais peur que si j’acceptais et affirmais mes faiblesses, toutes mes chances au bonheur s’enfuiraient entre les craques du plancher.
Crédit photo : Maxime Sauriol
Je suis tannée de me cacher, de porter des masques qui ne me représentent pas entièrement, de mentir et de sembler inatteignable et intouchable. Aujourd’hui, je me montre à toi, dans toute ma vulnérabilité et dans toute ma force, sans attentes ni illusions.
Crédit photo : Maxime Sauriol
Texte de Audrey Deschênes