18 juillet 2020
Mon beau garçon d’amour, tu ne le sais pas encore, mais ce soir ce sera la dernière fois que je vais te donner le sein.
Pendant que tu t’amuses chez ta grand-maman avec ta sœur, je pleure de culpabilité. Parce que ma tête, mon coeur et mon corps ne s’entendent pas. Depuis quelques jours déjà, j’entends cette petite voix dans ma tête qui me rappelle que j’ai allaité ta grande sœur jusqu’au sevrage naturel alors, pourquoi pas toi? Cette petite voix qui me dit que tu tiens encore à cette routine et à ce moment seul avec maman. Cette petite voix qui compare toujours ma façon de te materner versus ce que j’ai fait avec ta sœur. Cette voix qui me répète sans cesse qu’une journée de plus, ce n’est pas la fin du monde.
Mon coeur, lui, t’allaiterait jusqu’à tant que tu cesses d’allaiter par toi-même, sans te poser aucune question. Mais avec juste un petit pas de recul, si j’écoute réellement ce qu’il a à me dire, je l’entendrais me dire qu’il est aussi fatigué. Fatigué de devoir se tirailler entre mon besoin de renouer avec moi-même et celui de tout t’offrir. Le temps m’a fait comprendre qu’il est important de s’imposer des limites et de les respecter. Si je veux encore pouvoir t’offrir le meilleur de moi, je dois faire des choix.
À partir de demain mon p’tit homme, je choisis mon corps. Celui qui me porte depuis bientôt 32 ans, qui m’a permis de vous porter et de vous mettre au monde, mais celui qui m’a aussi fait souffrir et qui me lâche tranquillement. Cette année, mon corps a atteint sa limite. Il pleure de douleur invisible. Il est exténué. Savais-tu mon p’tit homme que ça fait maintenant 5 ans et demi que maman allaite en continu ? C’est beaucoup de temps et de dévotion ça, 5 ans et demi. Si je fais ce choix conscient d’arrêter de t’allaiter, c’est seulement pour arrêter de sécréter de la relaxine, l’hormone de grossesse qui crée des douleurs à maman. Je le fais pour redevenir en forme, pour jouer avec toi et ta sœur, pour redevenir patiente, pour pouvoir courir de nouveau, pour retrouver possession de mon corps. Aujourd’hui, je le choisis pour qu’il puisse me porter pendant de nombreuses années encore. Pour moi, pour vous.
Ce soir, je vais donc te donner le sein pour la dernière fois. Je vais laisser mon cell de côté et je vais profiter de ce moment à 100%. Je ne me sentirai ni pressée ni irritée. Je vais seulement profiter de ce moment avec toi. Celui qui met fin à un gros chapitre de ma vie de maman. Mon allaitement est l’une de mes plus belles fiertés de maman et je suis heureuse de l’avoir vécu avec toi. Qu’on ait réussi ensemble ! Alors, non mon p’tit loup, maman n’a plus de lait dans ses seins, mais je vais toujours avoir deux bras pour te serrer très fort contre mon coeur.
Je suis fière de moi, fière de nous.
Je t’aime,
Maman