La vie reprend son cours tranquillement. On voit les assouplissements s’établir un à un. Les gens recommencent à se voir, se fréquenter, s’organiser des sorties. Je suis spectatrice des retrouvailles des autres.
J’avais conscience qu’avec la pandémie qui a duré deux années, je me suis éloignée de beaucoup de personnes. Des amies, mais aussi des membres de ma famille. Au début, on reste en contact, on se donne des nouvelles, on s’organise des FaceTime. On pense que ce sera une question de quelques semaines, maximum quelques mois. Finalement, on réalise qu’on n’est pas sorti de cette situation de sitôt. Les gens commencent à se tanner, on réalise que certaines personnes n’ont pas tout à fait les mêmes valeurs que nous. Cette situation nous a montré le vrai visage de certaines personnes. Et plusieurs nous ont déçu. On commence à s’éloigner, sans vraiment s’en parler. Ça se fait naturellement.
J’ai vécu deux années, seule, chez moi. À voir mes parents de temps en temps. Mon frère, sa conjointe et mon neveu. Parler avec mes deux meilleures amies. J’étais seule, mais entourée malgré tout, on était tous confinés. Mais pas de la même manière.
Aujourd’hui, c’est fini les confinements. Pourtant, je ne me suis jamais sentie aussi seule que maintenant. J’ai énormément grandi les deux dernières années, j’ai fait une introspection, j’avais des problèmes à régler et je me sens enfin bien dans ma tête, comme ça n’a jamais été le cas auparavant. Ce temps d’arrêt, de solitude m’a vraiment permis d’entamer un processus pour m’aider à aller mieux et m’outiller pour l’avenir. Et ça a fonctionné. J’ai réussi à faire la paix avec le passé et tourner la page.
C’est difficile de voir que personne t’attend. Que personne n’a besoin de toi. Que chacun a son quotidien, sa famille, son entourage. Autour de moi, je suis la seule à être seule. Mon entourage a tellement diminué en deux ans que je n’ai plus personne à qui proposer d’aller prendre un verre un soir, à la dernière minute. Je n’ai pas l’impression de manquer à beaucoup de gens. Les mots ont comme perdu leur pouvoir depuis que nos portes peuvent enfin s’ouvrir aux autres. Je ne suis pas envieuse des autres, je constate uniquement ma situation et ça me crée un noeud dans le ventre.
Je m’ennuie d’être entourée de personnes avec qui le courant passe. Avoir des plans, des projets et des bras pour m’accueillir. Ma réalité en ce moment, c’est que je ne suis la priorité de personne, sauf moi. Je passerai toujours après les conjoints et les enfants de mes amies. Pis c’est très légitime, c’est la vie, je ne me plains pas, je réalise uniquement. Mais de constater l’ampleur de la solitude que je ressens me fait peur. En fait, je crains que ma vie reste comme ça.
Je m’ennuie de l’impulsivité, de planifier des choses, de ne pas savoir à quelle heure je vais rentrer, de toujours savoir à qui demander quand je cherche un +1 pour un événement de blogue. J’ai beau avoir mis beaucoup d’énergie sur moi-même et d’avoir mis le doigt sur ce que je veux réellement. Je m’ennuie des gens. Pas de personne en particulier…, oui il y en a. Mais je m’ennuie du fait d’être entourée de personnes avec la même réalité que moi, des personnes sociables qui ont envie de me voir. Je n’ai jamais aimé texter ou discuter sur Messenger, ce qui fait en sorte que les gens pensent souvent que je les ignorent. J’essaie de faire des efforts. Mes amitiés, ça se passait dans la vrai vie, pas virtuellement. La pandémie m’a confirmé ça.
J’ai tellement eu des hauts et des bas durant les deux dernières années que j’ai fait fuir beaucoup de personnes également. C’est pas évident d’avoir une amie borderline, et j’en suis consciente. Toujours avoir la peur au ventre que les gens t’abandonnent ou ne t’aiment plus. C’est finalement moi qui ai juste coupé les ponts, parce que c’était la pandémie et que chacun vivait ses choses. J’ai des regrets, c’est certain, mais j’accepte tout, pour avancer, je n’avais pas le choix d’assumer tout ce que j’ai fait ou dit. Ça m’a aidée à être plus forte et surtout à regarder en avant en laissant le passé derrière. Après les excuses, il n’y a plus rien à faire à part continuer de vivre.
Maintenant? Je fais quoi pour tisser de nouveaux liens? Reprendre contact avec ses personnes qui me manquent? Ses personnes dont j’ai laissé le temps nous séparés pour des raisons que je ne savais pas trop. Pour plusieurs, maintenant je sais. Comment ça fonctionne? J’ai un trouble relationnelle, j’ai appris avec la thérapie à prendre soin de mes relations, mais pas à en reconquérir ou à m’en créer de nouvelles. Et j’ai la chienne.
Donc aujourd’hui, je ressens profondément la solitude, je regarde le temps passé et j’espère juste réussir à créer de nouveaux liens, m’ouvrir aux autres comme avant, sortir de mon appartement, faire de nouvelles rencontres et reprendre le contrôle de ma vie sociale que j’ai vraiment négligée. J’aime être seule, je fais beaucoup de choses en solo, mais j’ai besoin des autres pour que ma vie soit plus belle, remplie d’aventures, d’amitiés, de souvenirs. J’ai besoin de me donner le droit de fréquenter des gens qui voudront que l’on partage du temps ensemble. J’ai envie de profiter du temps à venir, avec des personnes avec qui je vais me sentir bien et moi-même, qui m’aideront à me sentir moins seule. J’ai envie de me donner le droit d’avoir d’autres amies que mes deux meilleures amies que j’aime tant. Je dois me donner le droit d’ouvrir mes bras au reste du monde.
Je ne me suis jamais sentie aussi seule, mais j’ai le cœur ouvert, je vais réussir à me donner le droit de m’ouvrir aux autres et je serai prête à combler cet immense trou dans ma vie.