Cher Isaak,
Tu es assez grand pour que je m’adresse directement à toi.
Tu es assez mature pour comprendre pas mal tout ce que je vais t’écrire ici.
Tu es assez sensible pour être touché par ce que je m’apprête à t’avouer.
Chaque jour qui passe depuis que tu es né laisse un petit vide qui ne cesse de grandir. Ces moments ne reviendront pas.
Cette odeur de bébé impossible à décrire n’existe plus, envolée de notre maison pour se nicher sur d’autres bébés tous neufs. Tu sens toujours toi. L’odeur que je préfère au monde. Mais ce n’est pas pareil, je te l’avoue. Tous les pores de ta peau emmagasinent maintenant des particules de déodorants, de produits chimiques, de sueur. Ces odeurs composent ton quotidien qui ne se résume plus à passer des heures dans mes bras.
Ces pyjamas à pattes dont je raffolais… mon Dieu qu’ils me manquent. Tes petits pieds bien au chaud, les motifs de moutons ou de camion qui les décoraient, le confort qu’ils semblaient te procurer. Je n’achète plus de pyjamas. À présent, c’est à peine si tu supportes des boxers pour dormir.
Tes éclats de rire, la plus belle mélodie du monde. Ils sortaient facilement de ta petite bouche parce que tu étais un bébé heureux qui souriait tout le temps. Tu ris encore, mais maintenant ça prend une blague, une situation cocasse ou un événement spécial pour t’entendre éclater de rire. J’aime toujours t’entendre, c’est encore la plus belle musique à mes oreilles. Mais j’aurais voulu t’enregistrer à cette époque, afin de pouvoir me repasser la cassette maintenant que j’ai presque oublié ce son qui me comblait de bonheur.
Le sentiment de confort indescriptible qui nous envahissait quand on se collait contre toi les matins de fin de semaine. Tes petites mains autour de notre cou, ton petit corps tout chaud entre nos deux corps, ton souffle si doux contre nos joues. J’ai un peu mal quand j’y pense, je ressens presque une douleur physique à l’idée d’oublier un jour ces matinées si précieuses. Oh, heureusement que tu viens parfois te glisser entre nous pour sentir tout notre amour pour toi. J’ose croire que tu en ressens toujours l’envie et qu’on occupe toujours une aussi grande place dans ton cœur. Même si ça finit avec un pet ou une niaiserie qui nous donne envie de te pousser en bas du lit pour t’entendre éclater de rire.
Toutes tes premières fois si faciles : les premiers pas, les premiers dessins, la première journée à la garderie, à l’école, elles doivent maintenant laisser leur place aux plus difficiles : le premier jour au secondaire, au travail, la première peine d’amour, peut-être un mariage, un divorce, ton premier enfant. Toutes ses premières fois où on sera peut-être absent de ta vie et où on devra te laisser encaisser la douleur sans broncher, parce que ce sont celles-ci qui te forgeront en tant qu’homme. Un homme, ouf… juste de l’écrire est difficile. Mon bébé, un homme. Je ne sais pas si j’arriverai à m’y faire un jour. Mais je sais qu’il le faudra.
Tous tes secrets, tes mensonges. Parce que oui, il y en aura. Il y en a même déjà eu, j’en suis certaine. On dit que ce que l’on ne sait pas ne nous fait pas mal. J’espère que dans ton cas, ce sera vrai. Et que ce que j’ignorerai ne sera pas trop grave. Tu es un bon garçon, mon amour, ne me ment pas trop souvent, s’il te plaît. Dis-toi qu’une faute avouée est à moitié pardonnée et qu’en cas de problèmes, on peut t’aider.
Chaque heure où je ne suis pas en ta compagnie me semble toujours des heures perdues. Même si j’aime ma vie, mes activités en solitaire, mes amies, mes intérêts, je pourrais renoncer à tout ça pour ne passer que mes journées avec toi. C’est peut-être un peu intense mon affaire, mais tu es le centre de ma vie. Même lorsque tu seras grand et que tu auras quitté notre petite cellule familiale pour créer la tienne, tu resteras toujours le centre de ma vie.
Depuis ton arrivée, un fossé se creuse dans mon cœur chaque jour et je ne peux l’arrêter. Il s’agrandit au fur et à mesure que tu n’as plus besoin de moi et que tu t’éloignes un peu plus en vieillissant.
Mais mon amour pour toi reste intact, mon cœur n’arrêtera jamais de t’aimer et je suis certaine que le tien aussi.
C’est juste que le temps ne s’arrête pas.
Je t’aime, mon grand bébé, garçon, homme.
Ne l’oublie jamais.
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