relation avec la nourriture

Je me questionne sur ma relation avec la nourriture

Ahh la nourriture! Au centre de nos journées, sans nous en rendre compte bien souvent. Trois repas par jour, des collations. Un dessert. Une sortie au restaurant. Un repas en famille. Un lunch sur le go dans le métro, peut-être?

Ahhh la nourriture! Je ne sais pas par où commencer.

Peut-être devrais-je plutôt dire : ahhh mon corps.

Les deux sont intimement liés dans ma tête et dans notre société. Loin de là mon intention de dire qu’ils devraient l’être, mais il me semble qu’il y a ce lien entre manger = énergie pour le corps. Trop manger = grossir. Moins manger = maigrir. Combien de jugements envers les personnes grosses par rapport à leur alimentation? Beaucoup trop. Je vais vous épargner des exemples.

Depuis quelques années, je me questionne sur ma relation avec la nourriture, avec mon corps. Je me demande souvent si elle est saine. Si ma vision est positive ou même si elle est simplement neutre.

Je me suis questionnée à savoir si je n’avais peut-être pas un trouble alimentaire. Ouais, c’est lourd.

Mise en contexte : pendant une bonne partie de mon enfance, je recevais des commentaires sur mon poids, qui devait bien fluctuer, selon mes souvenirs. Durant les soupers de famille, il n’était pas rare d’entendre des jugements lorsque quelqu’un se servait à nouveau du dessert. Puis, il y a eu ce fameux rendez-vous chez le médecin, où elle m’a tout bonnement dit que j’étais en surpoids et qu’on pourrait passer à un plan de perte de poids. Je devais avoir 12 ans. J’étais en larmes. Moment fatidique #1.

En secondaire 1, la taille de mes jeans a dû augmenter de 3 tailles directement, si je voulais uniquement rentrer dedans. Je l’avais bien remarqué que je prenais pas mal plus de poids que mes amies; qu’on ne portait plus les mêmes tailles. Magasiner avec mes amies a commencé à être difficile. J’étais toujours celle qui ne cherchait rien. Je n’aurais rien trouvé dans les mêmes boutiques qu’elles, anyways. Je voulais tellement éviter ce moment où on décrocherait les vêtements de l’étagère et que je m’enlignerais pour les dernières tailles, celles bien en arrière, en croisant les doigts que celles-ci me feraient.

Moment fatidique #2 : encore au secondaire, 1 ou 2. Ma mère m’offre que nous nous abonnions au gym pour «se remettre toutes les deux en forme. On perdrait du poids ensemble.» How cute, right?

Moment fatidique #3 qui s’est répété bien trop souvent : cours d’éducation physique, durant tout mon parcours scolaire honnêtement. Plus spécifiquement au cégep : exercices standardisés pour évaluer notre forme physique, un petit tour sur la balance pour connaître notre poids, calcul de notre foutu IMC. Prise en note de TOUT ce qu’on mangeait pendant quelques jours, question de calculer je-ne-sais-quoi. Comparaison de tout cela à la «norme». Et boum : réalisation de notre écart? Détresse. Culpabilité. Ces fameux cours d’éducation physique et à la santé m’ont honnêtement rendue malade.

Des moments comme ça, où on m’a remis dans la face que je ne répondais plus à la «norme», où les gens m’ont remis LEUR malaise au visage; il y en a pas mal. Ces situations, ces commentaires, cette ambiance malsaine où être gros, c’est mal. Où être gros, c’est nécessairement mauvais. Où c’est de la responsabilité individuelle de la personne. Où elle voudrait nécessairement maigrir. Ces situations, ces commentaires, cette ambiance malsaine, où on apprend tranquillement, sournoisement, qu’être mince, c’est l’idéal, pour être heureux et, évidemment désirable.

Ça m’a amené à vivre leur malaise. À ressentir ce dégoût de moi. À vouloir maigrir.

À plusieurs reprises, j’ai tenté de «mieux manger; pas un régime»; qu’on s’obstinait à me dire. Mais, c’en était bien un. «Réduire cela; éviter à tout prix ces aliments. Augmenter plutôt ceux-là.» Je comprends pleinement l’idée de prendre soin de soi, mais pour moi, ça a toujours rimé et rime encore avec contrôle et privation.

C’est malheureux, je le sais. Je suis pleinement consciente que beaucoup de personnes réussissent à manger de façon équilibrée, mais l’équilibre pour moi, est impossible en ce moment. Peut-être que ma santé mentale est trop fragile. Peut-être que cette idée a trop longtemps été associée à des pensées extrêmement négatives et nocives pour moi.

Parce que de la détresse après avoir mangé certains aliments, j’en ai vécu. De la culpabilité en masse.

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Puis, il y a ces moments, plus récents, où je tente, peu à peu, de modifier ces pensées, ces patterns. Où je ne veux plus que manger soit une expérience négative. Ou encore ces moments où me nourrir est positif, mais est suivi de privation, de larmes et mal-être.  

Moment crucial de prise de conscience : je devais avoir 18 ans, maintenant. Je vivais encore mal ma relation à la nourriture et à mon corps. Je n’aimais pas ce corps; je voulais le rétrécir. Je me trouvais mauvaise de manger autant et de ne pas être capable de me priver. Je me trouvais faible. C’est wrong, je sais. Je trouve ça difficile à écrire tbh. Je commençais l’université. Je suis tombée sur un article qui parlait d’hyperphagie boulimique**. Ça a cliqué. Je me suis dit : merde, peut-être que… Je vivais des mixed feelings : soulagée que d’autres semblaient vivre des expériences et sentiments similaires aux miens. Soulagée qu’un trouble alimentaire soit possible bien que je n’étais pas maigre, mais plutôt en surpoids (selon les standards médicaux plus que questionnables, on s’entend). Peut-être un peu moins de culpabilité aussi. Mais aussi triste et surprise.

J’ai commencé à m’informer. Je voulais en apprendre davantage sur ce trouble alimentaire, sur le rapport à la nourriture et au corps. 

Période de déconstruction : je pense que je suis là-dedans maintenant. J’essaie de m’exposer davantage à du beau, à du positif. Je suis plus de comptes body-positive sur Instagram. J’essaie de déconstruire mes propres pensées. J’essaie de me permettre d’être, de manger sans arrière-pensée.

Parfois, je m’essaie à mettre des mots sur cette relation à la nourriture. Quelques fois, je vais me tenter à dénoncer des comportements et discours moralisateurs, culpabilisants. Doucement, je vais y arriver.

* Si vous ressentez le besoin d’en parler, Anorexie et boulimie Québec (ANEB) offre une ligne d’écoute et de références tous les jours, de 8h am à 3h am, sans frais, au 514 630-0907 pour les résidents de Montréal et, sans frais, au 1 800 630-0907. Si vous souffrez d’un trouble alimentaire, avez des enjeux relatifs à l’alimentation et l’image corporelle, ou encore si vous êtes un proche d’une personne qui en souffre, vous pouvez les joindre.

**L’accès hyperphagique (ou hyperphagie boulimique) est un trouble de santé mentale qui se caractérise par la présence de compulsions alimentaires, mais sans méthodes compensatoires. Les épisodes de compulsions sont souvent accompagnés d’un sentiment de perte de contrôle. À la suite de cet épisode, la personne atteinte d’accès hyperphagique vit de la culpabilité, de la honte, des sentiments de remords et du dégoût. (Source : https://anebquebec.com/troubles-alimentaires/lacces-hyperphagique)

Anonyme
Catherine Duguay

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