J’ai beau avoir mes petits moments de déprime comme tout le monde (parce que t’sais, la vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille), je sais que je suis privilégiée.
Pis là, je ne te parle pas juste du fait d’être une femme blanche éduquée par des parents qui l’ont entourée d’amour et qui a la chance de faire partie de la classe moyenne tout en étant avantagée sur presque tous les plans.
Je suis vraiment née sous une bonne étoile. Je le sais maintenant.
Je suis chanceuse, consciente de mes privilèges et ça m’aura pris cette période de confinement pour le réaliser pleinement.
Je m’excuse presque de l’être parce que t’sais, je me trouve sans cœur de l’avouer. Surtout à ce moment précis où tout le monde semble souffrir de la solitude, d’angoisse, de stress, d’inquiétudes ou simplement de la situation inhabituelle et historique dans laquelle on se trouve.
Je me sens mal d’avoir commencé un genre de plan d’entraînement (je n’aime pas l’expression!) qui consiste à marcher 10 000 pas par jour, parce que j’ai peur de ne pas être en forme si je reste trop souvent à la maison. Je pense à ceux qui sont incapables de sortir, à ceux qui n’en ont pas la permission ou la force et j’ai presque honte de me sentir mal de ne pas y aller les jours où la température est moins clémente ou que je suis juste moins motivée.
Mais je marche avec le sourire, en ayant une pensée pour tout le bien que ça me fait et une autre pour ceux qui voudraient être à ma place.
J’ai la chance d’avoir un emploi stable depuis 17 ans. Un travail dit essentiel présentement, même si je suis sur les lignes de côté et relativement à l’abri du champ de mines sur lequel le personnel de la santé marche depuis 1 mois. Mon plein salaire continue d’être déposé avec la même rigueur dans mon compte de banque qui ne cesse d’empiler les dollars puisqu’à part l’épicerie et les comptes à budgéter, je n’ose plus dépenser le moindre sou. Parce que je respecte les règles de confinement et que je préfère prévoir le coup si jamais la situation venait à changer.
Je le sais que je suis privilégiée en maudit de ne pas compter mes cents pour aller m’acheter du lait pis du pain sans sacrifier le reste. Je m’excuse d’avoir le temps de cuisiner des bagels maison, des tartelettes portugaises ou encore des biscuits double chocolat comme le suggère Ricardo.
On a emménagé dans notre nouvelle maison le 1er février et on est revenus de voyage le 1er mars. On n’a pas eu de problème à passer au bureau du notaire et à part quelques journées plus froides sur les plages de Cuba, on a passé un magnifique dernier voyage avant «on ne sait pas quand». On est même revenus sans aucun symptôme, juste à temps pour ne pas avoir à s’imposer une quarantaine de 14 jours.
Les planètes alignées pis toute, toé chose. Ça se peut pas être chanceuse de même.
Je m’excuse si ça te fâche un peu ou beaucoup de me lire. Je te jure que je suis consciente d’être bénie des dieux pis que j’aimerais ça que tout le monde ait la même chance que moi.
Je suis même allée donner du sang il y a deux semaines, question d’avoir l’impression de faire un petit quelque chose et de me débarrasser un peu du sentiment de culpabilité que j’ai l’impression de traîner comme un boulet derrière moi.
Je m’excuse presque de ne pas avoir une grand-mère à qui je pourrais rendre service en allant faire ses courses.
J’ai une bonne santé mentale, je pense. J’ai mes petits TOC, comme passer le balai, laver mes planchers ou ma maison au complet tous les jours depuis le début du confinement, ou encore des petits moments d’angoisse parce que j’ai peur que le virus attaque ceux que j’aime. Mais en général, je vais très bien. Je suis même le genre de fille qui prend plaisir à rester confinée à la maison puisque ça lui donne l’occasion de faire tout ce qu’elle n’a jamais le temps de faire. J’ai honte de penser que tout ça pourrait durer encore quelques mois et que ça ne me dérangerait pas.
Je m’excuse.
De ne pas trouver ça difficile. De ne pas avoir si hâte que ça que ce soit derrière nous. D’être heureuse quand même.
Je suis privilégiée, j’en suis consciente et je m’en excuse.
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