L'hypocrisie du printemps

L’hypocrisie du printemps

Tu penses-tu que j’te vois pas venir?

Avec ton soleil qui se pointe une journée sur cinq.

Tes nuages qui se promènent un peu trop au gré du vent du nord qui continue de me geler le bout du nez et des oreilles.

La petite laine que je garde par-dessus mes t-shirts colorés qu’il me tarde de ressortir des placards où ils attendent sagement depuis de longs mois.

Mes souliers qui me font de l’œil et que je peux porter seulement les jours où l’asphalte est sec et lorsque je suis certaine de ne pas mettre le pied sur un gazon mouillé par la neige qui ne fond pas assez vite à mon goût.

La slush que je bois une fois de temps en temps, les fenêtres de la voiture baissées, tout en enfilant encore les chocolats chauds extraguimauves au coin du feu de mon sous-sol douillet.

Ma literie, trop impatiente de la faire sécher au soleil afin de m’endormir dans les effluves de ton parfum.

T’es là, tapi encore dans l’ombre de la maudite marmotte qui raconte n’importe quoi année après année.

Je te vois, je te sens.

T’es subtil, cher printemps. Légèrement hypocrite aussi.

Tu t’annonces en grande pompe à coup de 2-3 journées ensoleillées où tout semble revêtir une aura magique et tu repars avec tes paillettes et tes couleurs pour nous renvoyer des bourrasques de vents froids et des flocons perdus.

Tes zones grises me font grincer des dents. Froid, chaud, soleil, nuage, pluie, neige, grêle, verglas. Ta large palette de nuances vient mélanger la mienne qui est essentiellement composée de noir et de blanc.

Ma personnalité ne deal pas bien avec les incertitudes. Je suis plutôt dans l’extrême, dans le concret.

L’hiver arrive avec la neige et le froid. L’été arrive avec le soleil et la chaleur. C’est simple, c’est précis. Ça a le mérite d’être clair, ils arrivent de manière franche.

Le printemps et l’automne arrivent par-derrière, en reculant de deux pas avant d’en faire trois vers l’avant. La plupart aiment ces entre-deux, ils disent du printemps que c’est le temps du renouveau alors que le qualificatif cocooning fait souvent référence à l’automne.

Moi, je n’aime ni l’un ni l’autre.

Il faut dire que je suis née en mai et qu’à chaque année, mon outfit de fêtée peut mettre en valeur mes robes fleuries et mes gougounes tout autant que mes jeans et mes bottillons. Pas question de piscine ou de séance de bronzage. Si la chance est de mon côté, j’aurai droit à une terrasse avec la table obligatoirement au soleil pour ne pas geler sur place et si le sort s’acharne sur moi, j’aurai encore un gros chandail de laine sur mes selfies de fête.

Tu penses que j’te vois pas venir, cher printemps?

Tu fais déjà tout ça depuis 2-3 semaines.

J’ai beau essayer, je ne m’habitue pas.

J’ai hâte à l’été. Comme chaque printemps.

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