Si tu avais su que tu ne voyagerais pas pendant deux ans, qu’est-ce que tu aurais changé?
L’appréciation globale de la chance que tu possédais de te promener de pays en pays comme bon te semblait?
Ou l’estimation du goût différent des grains de café que tu as pu savourer dans plus d’un continent?
Ou la connexion humaine qui s’est établie entre toi et chaque individu, citoyen du pays ou pas, dans lequel tu étais visiteur?
Ce sont des questions que tu t’es posées et reposées maintes fois dans ta tête.
Avant d’aller te coucher,
En te réveillant trop tôt le matin,
En discutant avec tes bons amis et un verre de vin de trop dans le système,
Et dans le bain, quand tu n’as rien d’autre à faire que de te remettre constamment en question.
Tu es bon en crisse là-dedans.
Tu écris ces lignes en sachant très bien que tu viens de brûler quelques centaines de piastres en achetant ton premier billet d’avion depuis plus de 600 jours.
Tu n’y crois pas.
Tu t’en grattes au sang parce que tu ignores si ça va réellement se concrétiser,
Ou si tu vas y arriver monétairement d’ici là et à ton retour.
Tu n’es plus habitué de dépenser d’aussi grosses sommes d’une shot.
Même ton père a pris le temps de te féliciter et de célébrer cette bonne nouvelle au téléphone avec toi.
« Tu vas voir, tu vas capoter! Tu vas adorer ça! », ont été ses mots remplis d’enthousiasme.
Même après l’avoir partagé avec ton paternel, tu ne réussis pas encore à t’imaginer que tu vas prendre l’avion pour la ville du péché dans moins de six semaines.
Tu as su être résilient pendant cette période de crise.
Et, à peine débarqué de l’avion, tu as senti cette grosse boule d’angoisse revivre dans ton estomac
Et quelques gouttes d’eau salée s’échouer sur tes joues maquillées de soleil.
La musique constante te manque (dans l’ascenseur, dans la rue et même dans les toilettes publiques)
La vie quotidienne, ici, ne mérite même sa propre soundtrack!
La centaine de clichés que tu avais pris le temps de cadrer à la perfection ne reflètent même pas l’ampleur de la beauté de ce que Las Vegas offre à ses 38 millions de visiteurs annuellement!
Tu as l’impression de défiler des simples photos d’hôtels à ton entourage qui ne se pouvait plus de te revoir.
C’est avec des étoiles dans les yeux que tu te réveillais le matin.
C’est avec les mots « j’capote » et « c’est pété » que tu réussissais le mieux à décrire ce que tu ressentais en voyant pour la première (ou la douzième) fois le Venetian ou le Caesars Palace.
C’est en fredonnant les paroles de la chanson Your Song d’Elton John que tu admirais les 1 214 jets des fontaines du Bellagiose propulser vers le ciel.
C’est avec beaucoup d’excitation et de larmes miroitant dans ton regard que tu as assisté aux prouesses du cirque québécois le plus connu.
C’est avec ta mère (et 17 km de marche par jour) que tu as pu cocher tout ce que tu avais d’inscrit sur ta bucket list.
C’est aussi avec ces quelques phrases que tu t’efforces de brosser le portrait de ce voyage post pandémie plus-que-parfait
Pour te remémorer cette ville en un seul mot :
Démesurée.