Quand j’ai eu mon diagnostic en 2017, j’ai été soulagée. Toute ma vie, je sentais que je n’étais « pas normale », et c’était extrêmement lourd à vivre. J’avais enfin la réponse à toutes les questions que je me posais depuis mon adolescence. Cette lourdeur dans la poitrine, la peur au ventre qui ne me quittait jamais, l’impression que personne ne me comprenait, être certaine d’être un fardeau, d’avoir les idées noires, l’envie de mourir.
Dans ma tête, je ne voyais pas d’avenir, c’était comme si je me disais « Ah, de toute façon, je serai probablement morte rendue là. » C’est comme si je vivais sur du temps emprunté, et ce, chaque jour.
J’étais fatiguée de vivre autant d’émotions, tout le temps, surtout les montagnes russes qui pouvaient durer plusieurs jours. Des journées où, d’une heure à l’autre, j’étais de bonne humeur, triste, fâchée, dépressive, trop intensément contente, etc. Me coucher le soir complètement brûlée pour finalement faire des cauchemars toute la nuit.
Je me souviens des crises que je faisais, un déclencheur, souvent tellement futile, me faisait exploser à un tel point que c’était si lourd. Partir dans un délire interminable, ne rien écouter et juste avoir peur. Cette peur. Toujours la peur de perdre quelqu’un, une amie, mes parents, une personne que j’aime. Cette intensité incontrôlable où les paroles et les gestes deviennent impulsifs et tout croches, sans avoir de sens. Me sentir incomprise, comme si je n’étais pas normale, que cette lourdeur… ; l’analyse constante, l’incompréhension de mes émotions ou de mes pensées. Qu’on me voyait comme si j’étais complètement sur une autre planète ! Je pense que le regard des autres était ma pire souffrance.
En 2017, quand j’ai reçu mon diagnostic de trouble de personnalité limite, j’étais rendue au bout de ma vie. Mon plan était fait. Je n’avais plus envie de m’obstiner avec moi-même. J’étais fatiguée d’essayer de comprendre, je voulais juste vivre et être comme tout le monde.
Aujourd’hui, je vais bien, j’ai les épaules beaucoup moins lourdes. La médication et la thérapie m’ont sauvé la vie. Les situations interpersonnelles restent tout de même la chose la plus difficile, malgré que j’aie appris à communiquer mes émotions, ne plus exploser, prendre le temps d’évaluer la situation avant de réagir, ne pas me victimiser et d’accepter les émotions des autres. Avoir des relations humaines, c’est difficile. Au cours des dernières années, j’ai perdu beaucoup d’amies, en partie à cause de ma peur de l’abandon qui contrôle trop souvent mes relations et qui me font faire et dire des choses dont je ne suis pas fière. Je sais que ça ne doit pas être facile d’avoir une personne avec un TPL dans sa vie, et je déteste réellement d’être définie par ça. Je suis un humain avant tout, la maladie mentale fait partie de moi et ne se définit pas.
Les préjugés, les gens qui ne comprennent pas, le fait que c’est une maladie qui ne se voit pas contrairement à un cancer ou une jambe cassée. Tout ça fait que la maladie mentale est taboue dans notre société. J’ai eu droit à beaucoup de commentaires lorsque je suis retournée au bureau après ma dépression.
Je suis tellement fière de la femme que je suis aujourd’hui. De la vie que j’ai. J’ai accueilli l’aide qu’on m’a offerte, à bras ouvert. Je n’ai jamais voulu mourir, je ne savais simplement pas comment vivre. Maintenant, je le sais. Je vis ma vie, avec quelques béquilles qui m’aident à rester debout et je ne suis pas gênée de ça. Au contraire, ma vie est belle, plus belle qu’elle ne l’a jamais été. Dans ma tête, tout est clair et je comprends enfin les émotions, sans montagnes russes ou batailles intérieures.
Mais face aux autres, la maladie mentale reste un mystère, surtout pour les personnes qui ne le vivent pas. C’est pour ça que je continue d’en parler, parce que c’est important, d’autres l’ont fait avant moi et ça m’a aidée, c’est à mon tour de raconter mon histoire. Pour que l’humain passe avant tout le reste.
N’oubliez pas que si vous avez besoin d’en parler, il existe des ressources :
Centre de prévention du suicide 1-866-277-3553
Centres de crises : Santé Montréal