intervenant, la fatique

Intervenant, la fatigue du métier

Métier : intervenant.

Sans aucun doute le plus beau métier du monde à mes yeux, mais il est aussi extrêmement difficile. Pas que les autres métiers ne le sont pas. Au contraire, il y a beaucoup de métiers que je ne ferais pas. Chapeau à tous les travailleurs dont je ne voudrais pas être à la place ! Mais reste que le métier d’intervenant, c’est difficile. Pas tellement physiquement, mais moralement, psychologiquement, émotionnellement, oh oui !

Être intervenant, c’est côtoyer la souffrance tout le temps, ou presque. C’est être les oreilles pour l’innommable. C’est être parfois la première personne à juste être là pour l’autre. C’est être les yeux qui voient encore une personne derrière un comportement nuisible et trop souvent les seuls yeux qui voient encore de l’espoir en elle. C’est être les mains pour guider l’autre quand rien ne va plus. C’est être une figure de confiance et la compassion sur deux pattes. De la compassion, en veux-tu ? En v’là ! On en a à revendre, y paraîtrait. En fait, les intervenants pensent qu’ils peuvent fournir de la compassion comme des petits pains chauds, mais non. La compassion peut s’épuiser comme n’importe quoi. Parce que je te le répète : le métier d’intervenant, c’est difficile.

Être intervenant, c’est aider l’autre à se reconstruire à partir de bases plus solides. À force de recevoir tout le pas beau du monde, ça se peut que tu trouves ça épuisant et démoralisant. Ça se peut que de la compassion quand tu sors du travail, il t’en reste un peu moins en banque. Puis, ça se peut aussi que, en entendant un préjugé émis par quelqu’un de ton entourage, sur la santé mentale, la violence, la pauvreté, ou toute autre problématique que tu côtoies dans ton travail, tu aies envie de grimper dans les rideaux avec un brin d’impatience.

Être intervenant ce n’est pas juste du noir non plus, là. On voit aussi un peu de beau évidemment, parce qu’à force de semer de petites graines, on voit de belles fleurs pousser. Sauf qu’on n’a pas toujours la chance de le voir ça. Certaines fleurs mettent plus de temps que d’autres à pousser et on est parfois qu’une petite goutte d’eau dans la marée d’interventions qui seront nécessaires à l’évolution de la personne qu’on aide. Pour une question de mandat professionnel, de limites, de temps ou même parce que la personne elle-même n’est pas toujours prête à continuer le cheminement. Ça, faut l’accepter, mais ce n’est pas évident, parce que t’as l’impression de pas être efficace. Sauf que le métier d’intervenant ne devrait pas se calculer en nombre de têtes rencontrées dans ton bureau ou de suivis menés à terme.

Chaque petit sourire, merci, ou paire d’yeux brillants de reconnaissance…

Chaque larme que t’as accueillie dans ton bureau sans jugement…

Chaque fois que tu as été là pour ceux qui n’ont jamais eu personne pour les écouter…

Chaque collègue que t’as soutenu quand toi-même t’avais besoin de vacances…

Chaque matin où, même si c’est difficile, tu choisis quand même d’être intervenant…

Ça, ce n’est pas juste efficace, c’est extraordinaire ! Ne l’oublions pas… Donc, au final, le métier d’intervenant, c’est peut-être bien difficile, mais maudit que c’est beau ! À toi, l’intervenant qui trouve ça difficile par moments, mais qui, aime ô combien son métier. La prochaine fois que tu seras brûlé et que tu remettras tes interventions en question, pense aussi à tout ce beau, là, au bien que tu fais. Parce que sache que la réflexion est toujours importante dans notre métier, mais que souvent on s’en met un peu trop sur les épaules. Prends une pause, respire, prends le temps de décrocher et de te retrouver, surtout. Puis, si t’as encore l’énergie et la passion, choisis encore une fois le plus beau métier du monde ; intervenant.

Marie-Pier Quessy
Mathilda profil

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