Les yeux grands ouverts

Les yeux grands ouverts – L’Équateur (partie 3)

Pour lire les précédentes parties c’est ICI et ICI.

C’est en pouffant de rires et en dégustant des Dora l’exploratrice en gélatine emmitouflées dans les mêmes couvertures que je tissai un lien avec mon amie de voyage qui restera ma meilleure amie pour huit ans.

Et que nous réveillâmes notre coéquipière de chambre (qui semblait être très en colère qu’on soit parties sans qu’elle fasse partie de notre duo d’acolytes).

« Vous n’êtes pas toutes seules, hein? Vous m’avez réveillée » lâche-t-elle dans un soupir.

Et nous de lui répondre par notre bouche débordante de bonbons et de nos yeux remplis d’étoiles filantes par ce que nous avions contemplé toute la soirée.

Ou toute la nuit vu l’heure qui s’affichait à notre horloge : 2 :30.

Pour être honnête, on s’en fichait.

Mais pas le lendemain matin.

« Des Dora en jujubes? Tu as acheté ça où? » vous me demanderez les yeux écarquillés.

C’est au IGA à côté de chez moi que j’avais fait le plein quelques jours avant de m’envoler pour l’Amérique latine.

Les professeurs, qui, encore aujourd’hui, je surnomme affectueusement « maman de l’Équateur » et « papa de l’Équateur » confectionnèrent une liste à cocher dans le but de ne rien oublier dans nos bagages et avaient ajouté une section « bouffe réconfortante ».

Pour tout vous dire, au départ, je ne comprenais pas l’intention :

Si je me porte volontaire pour excursionner un voyage humanitaire, c’est pour, premièrement, être dépaysée et, deuxièmement, ouvrir mes papilles gustatives aux saveurs du monde.

Non?

Je vais être franche avec vous.

Quand les portions servies ne suffisaient pas à me gaver, quand ce qui jonchait dans mon assiette circulait dans celle de mes compagnons par manque d’intérêt (souvenez-vous, les aliments, en Équateur, ne sont, dans aucun cas, dans la capacité de se retrouver dans la poubelle) ou lorsque les mets de mon pays natal me manquaient terriblement (en plus de me donner l’eau à la bouche juste d’y penser), j’allais piger dans mon sac à dos, dans mon Ziploc explosant de gâteries me rappelant celles dont j’avais l’habitude de m’empiffrer chez moi.

Wow!

Je vous assure, je me rappelle encore le party qu’organisaient mes papilles quand elles entrèrent en contact avec des croustilles, du chocolat ou des bonbons provenant directement de chez moi.

Ça goûtait ma maison.

Ça me transportait l’instant d’une bouchée.

Depuis, je garde ce même truc quand je m’amuse à faire une globetrotteuse de moi. 

Juste l’action de m’étaler de la crème solaire m’épuisait.

Je nous visualise encore assises, je devrais plutôt employer le terme « évachées » sur le banc en bois, patientant notre guide, avec nos cernes d’à peine quelques heures suspectant une activité douteuse et le goût subsistant des jujubes encore présents dans notre cavité buccale.

Toutefois, rien ni personne ne laissa entrevoir que des petits voyous du secondaire s’étaient mêlés aux festivités de la vieille.

« Fiiiiiou » pensai-je.

Une fois l’agitation passée, tout ce dont je rêvais était de retrouver mon matelas de paille.

J’peux vous jurer que mon besoin criant de sommeil se métamorphosa en exigence de liquide tôt en après-midi.

Froid.

Toute de suite.

Là là.

Je suis certaine à presque 100% que vous êtes au courant que la nourriture latine est très épicée.

Personnellement, je ne m’en plains pas. Je mange presque tout arrosé d’un filet de Red Hot :

Mes œufs.

Mon riz au poulet.

Mon pâté chinois.

Mon pâté au poulet.

Tout.

Cependant, si je peux vous donner une astuce : ne manger jamais directement ce qui pousse des champs.

Encore moins des piments de la taille de la paume de votre main et qui est encore plus rouge que la carcasse d’un homard fraichement cuit.

Et vous comprendrez ce qui suit.

Un ami du voyage acourra vers notre petite troupe habituelle, mais avec un air litigieux.

Sans vous mentir, ce voyage-là, c’est un peu comme la chanson de Stromae « Papaoutai » :

« Quand tu penses que c’est fini, eh bien, il y en a encore. »

Déjà épuisée de la nuit et de tenir ma pelle à creuser des canaux d’eau dans les champs (ce voyage, c’était un voyage humanitaire, donc nous aidions les citoyens de Chilcapamba à rehausser leur système d’irrigation dans les plantations), je devins encore plus desséchée suite au cadeau empoisonné de notre partenaire.

Un piment :

Le piment Aji.

Un simple piment cylindrique tirant de l’orange au rouge.

« À go okay? »

Un.

Deux.

Trois.

Go.

Les larmes s’écoulèrent directement de mes yeux. Ce fût un automatisme. Je n’en possédais pas le contrôle.

Les pépins qui se trouvaient à l’intérieur arboraient une couleur sombre : noire.

« Il doit être épicé, mais rien de plus » pensai-je.

Ha. Ha. Ha.

Je sentais chacune de mes bouchées mastiquées descendre le long de mon œsophage pour se creuser une place de taille dans mon estomac.

Sur l’échelle de Scoville (une échelle de mesure de la force des piments), le Aji a vu s’attribué une note de 8 sur 10 le qualifiant comme « torride ».

Je tiens à vous informer que le poivron dit « jalapeno » énormément utilisé dans la cuisine mexicaine est noté 5 sur 10, soit qualifié de « fort ».

Le reste de mon après-midi fut « torride » parce que j’étais assoiffée et brûlée non seulement de l’intérieur, mais de l’extérieur également.

La couleur bourgogne donnait une allure de calciné à mon nez.

Il manquait juste l’odeur!

La théorie où je clamais n’avoir jamais attrapé de coups de soleil venait de s’éteindre.

Même si la température est moindre et que les nuages sont omniprésents, en Équateur, l’intensité du soleil est dangereuse étant donné que le pays se situe sur la ligne équinoxiale, soit le point où le soleil frappe le plus fort.

Je l’appris à mes dépends.

C’est d’ailleurs sur cette ligne qu’un œuf tient debout par lui-même.

Dit de même, ça a l’air un peu banal, mais c’est uniquement à cet endroit dans le monde qu’un œuf peut tenir debout seul.

Avec un peu (beaucoup) de difficulté, notre équipe de voyageurs a réussi à placer l’œuf de façon à constater la magie de la ligne équinoxiale.

Qu’est-ce qui engendre ce phénomène?

L’Équateur se situe à mi-chemin entre les deux pôles que constituent le pôle nord et le pôle sud.

Ainsi, sa latitude est de zéro degrés et c’est ce qui permet à l’œuf de se tenir debout sans tomber!

Shany signature

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