Enfant heureuse, adolescente tourmentée, je passe à travers ma vie avec les outils qu’on m’a donnés, mais aussi ceux que je suis allée chercher.
Toute seule, comme une grande.
J’ai appris à aimer, à faire des câlins, à dire « je t’aime » dans une famille où je n’ai pas manqué d’amour. Même avec une part d’ombre causant des carences affectives qui me suivront toute ma vie, j’ai foi en l’amour et je suis capable de le crier haut et fort. Même si ces deux mots s’échouent parfois quelque part entre ma tête et mes lèvres. J’aurais aimé que ma famille ne s’effrite pas au fil du temps, que cet amour nous rapproche plutôt que nous divise.
Mon grand garçon, j’essaye tous les jours de te montrer à quel point je t’aime et surtout de te le dire. J’espère ne pas te rendre dépendant de ce sentiment et faire de toi un humain qui aime sans compter, mais surtout qui n’a pas peur de s’aimer lui-même.
J’ai appris la valeur de l’argent à grand coup de vacances à Old Orchard, de nouvelle voiture aux 5 ans, d’études au collège privé, de sacrifices parentaux. J’ai été témoin de déchéances financières, du « trop peu trop tard », des efforts qui sont faits pour maintenir le bateau à flot. J’ai vu des gens vivrent au-dessus de leurs moyens, vouloir entrer dans le moule de la surconsommation traduisant une réussite sociale qui ne repose que sur des standards préfabriqués et passer leur vie à courir après leurs sous.
Mon grand garçon, j’aimerais tellement te voir riche un jour. Pas en alignant les 0 dans ton compte de banque. Plutôt en étant conscient de la force de l’épargne, des avantages d’économiser, de l’importance de faire des choix de vie adéquats sans être tape-à-l’œil juste pour « faire comme tout le monde ». Je te souhaite de ne pas avoir de dettes, de ne pas angoisser parce que tes paiements risquent à tout moment de rebondir. D’être capable de faire face aux imprévus, de ne pas vivre dans l’attente du jeudi, d’une paie à l’autre. Pour moi, c’est ça, être riche.
J’aurais aimé qu’on me dise plus souvent que je suis capable d’accomplir de grandes choses. J’aurais aimé qu’on me croie capable de défoncer des portes et d’aller chercher ce que je veux même si je suis « dans la moyenne ».
J’aurais aimé ne pas être dans l’ombre, ne pas devoir me questionner autant afin de découvrir ma valeur.
Sans être trop tard, je réalise que si j’avais eu certains outils avant, plusieurs routes auraient pu être accessibles plus facilement. Je me promets encore aujourd’hui de continuer à défricher de nouveaux chemins même si ça prend du temps. Même si j’avance à tâtons parce que je manque d’assurance.
Mon grand garçon, je ne cesserai jamais de te dire que tu peux être ce que tu veux. Je vais continuer à mettre des outils dans ton baluchon, les meilleurs que je peux te donner selon ce que j’ai à ma disposition. Et t’aider à aller chercher ceux qui manquent. Je veux que tu sois conscient de ton potentiel avant même que tu décides de le mettre en application. Je vais même espérer te voir tomber pour mieux te relever. J’espère être capable de ne pas avoir la tentation de le faire à ta place. J’espère être capable de me mettre dans ton champ de vision un peu plus loin, de te voir ignorer ma main tendue pour faire les choses par toi-même. À ta façon.
Te donner ce que je n’ai pas eu peut sembler plus facile à dire qu’à faire. Surtout que je suis reconnaissante de ce que la vie a fait pour moi et de ce qu’elle m’a dessiné comme parcours. Je suis qui je suis, avec mes forces et mes imperfections. Je ne blâme personne.
On fait tout ce qu’on peut comme parents. Comme humain.
Avec du soleil et quelques intempéries, on apprend à se protéger des rayons trop forts et des tempêtes qui sèment le chaos.
Mon grand, je te souhaite de trouver la parfaite combinaison qui te permettra d’avoir la vie que tu mérites. Celle que tu auras su te façonner.
Avec cette chanson en trame de fond.
« Prépare-toi petit garçon
Elle s’ra longue l’expédition
Et même si on n’en revient jamais vivant
Il faut marcher droit devant »
Droit devant – Les Cowboys Fringants