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Deux jours après l’opération, quand les antidouleurs ont fini par agir sur ma cheville plutôt que sur mon cerveau, j’ai commencé à reprendre momentanément le dessus.
J’ai eu la chance d’être bien entourée.
Mes hommes toujours fidèles au poste pour m’aider et m’épauler.
Mes parents sont venus faire du ménage et me porter de la bonne bouffe.
Ma belle-maman est venue me tenir compagnie et me cuisiner de la soupe.
Mon beau-papa m’appelait personnellement pour prendre des nouvelles.
Les messages publics et privés sur Facebook me remontaient le moral.
Ma meilleure amie bien que physiquement loin de moi m’encourageait à distance.
Mes collègues de travail m’ont empêché de culpabiliser de les laisser en plan durant une des périodes les plus achalandées de l’année.
J’ai cessé de me morfondre le temps de leur sollicitude.
Parce que j’étais contente de voir que je comptais pour un plus grand nombre de personnes que je pensais.
Mais la vie étant ce qu’elle est, elle finit par reprendre son cours normal.
L’actualité laisse toujours place à d’autres nouvelles plus récentes, plus sensationnelles, plus captivantes.
Jennifer qui s’est cassé la cheville, ça te donne une couple d’émojis tristes ou wouah sous ton statut, des « bons rétablissements » ou des conseils, mais rien de plus.
Je ne suis pas en train de mourir.
Heureusement.
Mais reste que je tombe vite dans un état où je me demande ce que je vais faire de mon temps, de mes journées et de mes humeurs pour les semaines à venir.
Le vendredi du Black Friday, 4 jours après l’opération, j’ai vécu probablement ma pire journée. Cette journée-là devait pourtant être la meilleure de l’année, je t’explique pourquoi ICI.
Ce matin-là, je me suis levée avec le cœur gros, les larmes prêtes à couler et la mine triste. La douleur, je la ressentais ailleurs que dans ma cheville.
Pathétique, mon affaire ? Aux yeux de certains, peut-être.
Mais pour moi, c’était une journée difficile. Celle que je devais vivre chez moi plutôt qu’à l’endroit où j’aurais vraiment aimé être.
J’ai donc magasiné en ligne, la journée m’a coûté probablement plus cher que ce qu’elle devait me coûter au départ.
Faire des achats sous le coup de l’émotion n’est jamais une très bonne idée.
Mais ça fait taire la douleur physique et émotionnelle le temps de quelques clics.
Et quand les paquets ont commencé à arriver quelques jours plus tard.
Les jours suivants se sont passés dans une sorte de lenteur. Mon quotidien oscillait toujours entre le repos, l’exaspération, la colère, la résignation, la douleur, les nuits agitées, le sevrage d’antidouleurs, la lecture, l’écriture, la télévision, et surtout beaucoup trop de temps sur les réseaux sociaux.
Les tâches ménagères s’accumulaient un peu trop vite à mon goût, malgré l’aide de mes hommes. Contempler les miettes sur le tapis et la vaisselle qui s’empile parce que je ne peux la transporter d’une pièce à l’autre sans risquer de faire des dégâts me rend folle. J’ai en horreur les pyjamas et le linge mou que mon gros bandage demi-plâtré me force à porter. Je m’ennuie de mes jeans skinny.
Je rêve de tremper dans un bain, me contentant de ma douche téléphone, le corps à moitié dans la baignoire, entre le chaud et le froid. En ayant toujours la crainte de glisser ou de mouiller son bandage.
Je n’en peux plus de l’engourdissement qui s’installe dans mon corps. Mes membres perdent vite leur vitalité, mes muscles sont de moins en moins visibles, sauf ceux de ma jambe gauche qui supportent mon poids. Je ne sais pas si je vais me retrouver avec un corps disproportionné dans quelques semaines, mais ça se peut que j’aie la fesse gauche plus ferme que celle de droite.
Je n’ai pas mis le pied dehors avant 5 jours qui m’ont semblé 5 semaines. Le samedi suivant mon opération, j’ai ressenti le besoin de retrouver un semblant de vie normale et d’aller faire l’épicerie. Je me suis maquillée, ayant besoin d’un peu plus de fond de teint pour cacher mon teint pâle de fille confinée à l’abri des rayons du soleil. J’ai mis mon linge mou le plus fashion et je suis partie avec mes hommes. La voiture a pris des allures de carrosse de Cendrillon, même les routes que je prends chaque jour avaient des allures de royaume enchanté.
Après 3-4 allées de supermarché à maîtriser les béquilles, j’ai vite réalisé que je ne serais pas superwoman pour les prochaines semaines. Ma tête tournait, mes jambes étaient molles et mon souffle un peu défaillant. C’est incroyable à quel point le corps humain peut se transformer en quelques jours à peine.
Je suis revenue à la maison brûlée, mais heureuse d’avoir vu un peu de lumière. Même si c’est surtout celle de l’allée des produits surgelés.
À suivre…