Fléau des textos

Le fléau des textos

J’ai grandi en étant pendue au téléphone.

À m’entortiller dans le fil que je traînais dans ma chambre pendant que je regardais mes posters, que j’écrivais dans mon journal intime fermé par un cadenas ou que j’enchaînais les enregistrements du 6 à 6 à CKOI sur mes cassettes.

Grand moment quand on a eu notre premier téléphone sans fil à la maison et victoire ultime quand j’ai eu ma propre ligne téléphonique sur laquelle pas mal juste ma mère ou ma meilleure amie m’appelaient.

Après, il y a eu la pagette, le premier cellulaire, le premier flip.

Google le tout et tu devrais avoir une bonne idée de mon âge.

J’ai envoyé mes premiers textos une fois sur le marché du travail au tout début de ma vie d’adulte.

Facebook est apparu comme je devenais une maman. C’est là qu’on a crié au génie à la suite de l’arrivée des réseaux sociaux. J’y ai retrouvé des amis que j’avais perdus de vue depuis longtemps, je m’en suis fait de nouveaux. Messenger a remplacé MSN et ASV a été remplacé par Poke ou juste le petit signe de la main qui fait coucou pour entrer en communication avec les autres.

C’est pas mal à partir de là que la game a changé.

Dans un monde où il est plus facile que jamais de communiquer grâce aux multiples technologies, j’en suis rendue à détester la façon dont on les utilise. Les textos sont un vrai fléau et j’ai parfois envie de me réfugier dans le bois avec les personnes que j’aime pour m’enfermer dans une cabane et leur parler dans le blanc des yeux le temps de quelques heures.

Question de vérifier si je comprends bien tout ce qu’ils disent et éviter bien des malentendus dus aux non-dits, aux sous-textes et aux tons indéchiffrables qui émanent des maudits textos qu’on s’échange.

Je suis vraiment à bout des messages envoyés en petits caractères qui font illuminer mon écran et attirer mes yeux comme un requin est attiré par le sang. Le petit rush d’adrénaline associée au son de cloche d’un nouveau message. Parfois, c’est le signe de bonnes nouvelles, de mauvaises, d’angoisses… je suis littéralement incapable de ne pas en être affectée.

Mes doigts volent sur le clavier parce que je veux répondre rapidement. Tu devrais me voir le doigté… S’il existait une course qui s’intitule «Tapage de doigt extrême sur écran», je me classerais facilement parmi les tops.

Et on peut-tu parler du petit crochet qui accompagne le mot «vu» sous les messages envoyés? De tout ce que ça provoque comme émotion allant du «Fiou, il a vu mon message» à «Fuck, il l’a vu, mais ne m’a pas répondu.»

Un vrai catalyseur à anxiété.

Je pense que je vivais mieux avec l’incertitude de ne pas savoir si mon message s’était rendu que celle provoquée par un silence calculé ou involontaire. Ça me trouble de ne pas toujours savoir comment dealer avec ça. Je vais parfois jusqu’à m’excuser si je n’ai pas répondu dans mon délai jugé raisonnable, c’est-à-dire pratiquement dans l’heure qui suit.

Sans oublier la ponctuation… Comment je peux être aussi troublée par un point d’exclamation ou des points de suspension? Comment savoir si l’exclamation en est une de plaisir, de colère ou simplement de surprise? Comment juger si les … signifient qu’il y a un double sens ou si c’est seulement une démonstration de paresse de ne pas avoir eu envie d’écrire la suite.

Le simple OK qui ne peut pas juste signifier OK. Je me demande si c’est un OK que je dois lire avec un sourire dans la voix, un OK qui marque une déception ou un OK qui sert simplement à m’avertir que le message a été bien lu.

Pis là, je ne te parle même pas des émojis. Petits dessins qui servent à marquer une émotion, une situation ou à manifester encore une fois des signes de paresse. Le cœur rouge qui est plus lourd de sens que le cœur de n’importe quelle autre couleur. Fais bien attention à celui que tu choisis d’envoyer, ça pourrait être interprété de 1001 façons. Même chose si tu oublies de mettre un bonhomme sourire. Tout le monde sait que les phrases passent mieux si tu y ajoutes un petit rond jaune souriant à la fin.

Je me relis et je trouve ça complexe juste d’essayer de m’y retrouver.

Je peux-tu juste appeler ceux que j’aime pis leur jaser ça au téléphone sans qu’ils pensent que parce que leur téléphone sonne, il est arrivé quelque chose de grave? Je pourrais aussi faire la même chose.

Ça me manque de regarder le plafond ou d’écouter de la musique en jasant jusqu’à ce que les piles de mon téléphone lâchent.

Ah oui, j’oubliais.

Personne n’a le temps. Un texto, ça va plus vite pis ça fait la job.

Jennifer Martin
Jeneviève profil

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *