l'avenir du passé

L’avenir du passé – partie deux

Il s’agit d’une histoire fictive en plusieurs partie, pour lire les précédentes, cliquez ICI.

Après le manège, on est tous allés manger une queue de castor. Théo m’a longuement parlé de sa famille et du fait qu’il voulait aller à l’université. Moi qui me chicanais toujours avec mes parents et voulais lâcher l’école… Il avait une bonne écoute.

Trois jours plus tard, le lundi, à l’école, j’ai appris la mort de mon ami. Celui avec qui j’ai volé, l’espace de quelques minutes seulement, au-dessus du pont Jacques-Cartier. À 15 ans, un jeu stupide sur Internet l’a tué. Lui qui voulait tant vivre. Lui qui, malgré le fait qu’il se faisait intimider, restait toujours positif. Il était mort par accident, moi j’étais en vie et je voulais être à sa place.

J’ai pleuré tellement de larmes. Longtemps. Ma tête était envahie d’images de lui. Des images de lui qui sourit. Des images de lui, mort.

Je m’en souviens comme si c’était hier. J’ai demandé à ma mère de m’amener au salon funéraire. Elle avait un motton dans la gorge. Voir un jeune corps dans un cercueil lui faisait terriblement mal. Un petit corps de 15 ans, sans vie, dans un trop grand cercueil.

Les escaliers du salon me semblaient si hauts. Chaque marche semblait si difficile à atteindre, chaque fois que je levais mon pied pour les atteindre, une à une. Arrivée devant la grande porte vitrée, mon cœur s’est crispé. C’était si douloureux comme sensation. Ma mère a ouvert la porte et je suis passée devant elle. Mon frère et sa blonde nous suivaient, pas trop loin derrière, se tenant par la main. J’ai vu une petite foule de gens regarder dans la même direction, les yeux rougis de tristesse et d’incompréhension. Je ne voyais pas encore mon ami. Je n’étais pas prête à tourner ma tête dans la même direction que tout le monde. J’ai attendu un instant, seule, avant de pénétrer dans la pièce qui sentait la mort. Des lys, il y en avait partout. Encore aujourd’hui, cette odeur fige ma poitrine. J’ai trop souvent senti ces fleurs dans ma vie.

Je suis entrée. Je me suis avancée vers lui.

Il était beau. Il avait l’air de dormir. J’avais l’impression qu’il avait un petit sourire. Un petit sourire rassurant qui disait « Ça va bien aller, ne pleurez pas ». Je l’ai fixé longtemps. Le soir même, je me suis fait la promesse de vivre, même si je trouvais ça difficile.

***

Chaque livre, chaque film, chaque spectacle… Mes émotions sont toujours trop intenses. J’ai une grosse tasse de café latté dans les mains. Mon livre me regarde de travers. Je déguste chaque gorgée, le café c’est mon addiction, une passion. La fin de semaine, je me gâte en me faisant des lattés dans la machine à espresso que j’ai reçue à mon trentième anniversaire. J’essaie plusieurs sortes de cafés, j’achète des sachets de grains d’espresso un peu partout et je note mes impressions.

La lumière de septembre est magnifique. Quelques rayons de soleil arrivent à traverser la fenêtre pour se poser sur mes jambes qui sont étendues. Mon ordinateur y est posé, prêt à recevoir les émotions que je transforme en mots, en phrases, en paragraphes, en chapitres et, je l’espère bien un jour, en roman. J’ai la certitude qu’un jour, mes mots seront lus. Je n’imagine pas changer le monde, mais bien peut-être faire sentir à quelqu’un qu’il n’est pas seul. Briser à coup de masse ce grand mur érigé devant moi depuis trop d’années déjà. Voir ce chemin qu’on m’a trop longtemps empêché de voir. Ce chemin auquel je me suis empêchée moi-même d’avoir accès. La honte, la peur, la fragilité, la tristesse, toutes ses émotions noires qui ont fait de ma vie une survie. Sortir la tête de l’eau juste un peu, juste assez pour respirer suffisamment. Je souhaite qu’un jour, mes mots m’aident à respirer et vivre plus qu’à survivre. Je souhaite vivre comme je mérite de le faire : pleinement.

Je n’ai pas connu Théo longtemps. Encore aujourd’hui, je pense à lui, souvent. L’automne me fait penser à lui. J’aime croire qu’il m’a donné assez de courage pour finir mes études, comme il m’en a donné lorsqu’on s’est envolés.

Mes souvenirs sont tous classés dans mon cerveau de grande écorchée de la vie. J’ai tellement de choses dans ma tête que j’aimerais pouvoir m’y enfouir et faire du ménage. Mettre dans des boîtes les choses que j’aimerais oublier pour toujours. Juste les détruire où les cacher très, très loin dans le fond d’une garde-robe imaginaire. Mais, comme dirait mon psy, chaque événement de la vie, les expériences, les épreuves, les bonheurs forgent la personne que je suis aujourd’hui. Des fois, j’aimerais lui faire un gros fuck you avec ses théories psychologiques qui me font chier. Mais je sais qu’il a raison, dans le fond ! Mais je me demande si c’est vraiment nécessaire de se souvenir de tout…

***

Il y a cette soirée. Une soirée qui s’est pas bien finie et qui a eu une grosse incidence sur le reste de mon secondaire. J’avais une amie : Julie. Avec elle, je faisais des conneries, pas beaucoup, pas les pires que j’ai pu faire, mais on avait beaucoup de fun. Je me souviens des vendredis soirs où on se saoulait au vieux gin dégueulasse qu’on mélangeait avec je-ne-me-souviens-plus-quel-jus dans une bouteille d’eau et où on allait à la danse au sous-sol de l’Église Notre-Dame-du-Rosaire. Elle avait un chum : Luc. Il était gentil, mais lui et moi on avait déjà eu une courte histoire de frenchage dans les toilettes de la maison des jeunes. Bref. Julie allait avoir 16 ans et j’ai demandé à mes parents si je pouvais faire une mini soirée chez moi. C’était vendredi soir et ils allaient avec mon frère à son match de hockey à l’autre bout de la ville. J’avais un bon trois heures pour faire la fête avec mes ami.es. Ma mère avait dit oui. Après avoir fait un gâteau au chocolat Dr. Oatker et mis plein de bonbons vers de terre sur le dessus, j’ai essayé de me mettre cute. Julie et quelques ami.es sont arrivés et on a bu, fumé et frenché. Un peu trop. Je me souviens que je trouvais vraiment beau le bff de Julie, et lui aussi me trouvait belle. Je pense qu’il s’appelait Guillaume, mais je ne suis pas sûre, ma mémoire fait défaut. On s’était embrassés sur mon balcon pendant qu’on fumait un joint.

– Veux-tu être ma blonde ?

– OK.

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