D’aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, j’ai toujours été de nature inquiète. M’inquiéter en permanence pour les miens c’est pratiquement un travail à temps plein depuis toujours.
Mon frère se cachait dans les rayons des vêtements des grands magasins et moi j’avais juste peur d’entendre nos noms à l’intercom. J’étais inquiète que ma mère s’inquiète, tu vois le genre?
J’avais 12 ans et je ne pouvais pas m’endormir si mes parents n’étaient pas revenus le soir. J’ai déjà appelé ma grand-mère en panique à 2 heures du matin parce que mes parents n’étaient pas rentrés.
J’avais toujours une raison de m’inquiéter pour tout et pour rien.
Lorsque j’ai rencontré mon conjoint, j’étais inquiète qu’il me laisse, qu’il me trompe, qu’il se lasse de moi. J’étais inquiète qu’il lui arrive un accident, qu’il cesse de m’aimer. J’avais sans arrêt des raisons de croire que je ne méritais pas son amour.
Quand je suis devenue maman, cette inquiétude s’est installée pour de bon et s’est même décuplée à puissance 1000. J’avais peur que son coeur cesse de battre dans son sommeil, qu’il s’étouffe, qu’il soit malade, qu’il attrape une maladie incurable. J’étais inquiète de ne pas être à la hauteur. Combien de fois je me suis sentie impuissante devant des situations dont je n’avais pas le contrôle?
Depuis que mon fils est un ado, cette inquiétude est loin de s’estomper. Au contraire.
Je m’inquiète plus que jamais.
Est-ce qu’il saura affronter les aléas de la vie sans trop souffrir? Est-ce qu’il trouvera la femme de sa vie sans vivre des dizaines de peines d’amour? Va t’il réussir à réaliser ses rêves? Est-ce que la maladie va l’épargner? Est-ce que je serai la bonne personne pour le guider à travers tout ça? Continuera t’il à venir me voir même lorsque je serai vieille et ridée et peut-être même sénile à force d’avoir accumulé une vie complète d’inquiétude?
Maintenant que mon chum approche la cinquantaine, je m’inquiète aussi de plus en plus pour lui. Est-ce qu’il va vieillir à mes côtés? Va t’il faire une crise cardiaque avant même l’âge de la retraite? Est-ce qu’il sera frappé par le démon du midi et me laissera pour une plus jeune? Est-ce que notre relation réussira à passer le test du syndrome du nid vide lorsqu’on se retrouvera seuls tous les deux après le départ de notre fils?
Je passe aussi beaucoup de temps à m’inquiéter pour mes amies, ma famille, mes collègues. Je pense sans cesse à ce qui pourrait arriver de pire.
Dites-moi que je ne suis pas la seule à vivre autant dans l’inquiétude quotidienne et perpétuelle?
Et oui, je fais des gros efforts pour masquer cette inquiétude du mieux que je peux. La plupart de mon entourage ne sait même pas à quel point mes angoisses me ronge fréquemment. Ce n’est pas toujours évident à cacher, je dirais même que c’est souvent épuisant à la longue, mais j’essaye vraiment de projeter l’image d’une fille forte qui s’en fait pas trop pour l’avenir et qui vit au jour le jour.
Par contre, je développe des trucs pour me gérer aussi. Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas.
Mais je pense qu’avec le temps, j’apprends à supporter l’inquiétude, à m’y habituer et je travaille à la minimiser.