Hier, je te tenais dans la paume de ma main dans ton petit pyjama de prématuré. Aujourd’hui, on a rempli ta demande d’admission pour le cégep. J’ai cligné des yeux et ton enfance était déjà derrière moi.
Heureusement que j’en ai profité.
S’il y a bien une chose dont je suis certaine dans le parcours de ma maternité, c’est que j’ai eu la chance de ne rien manquer. Je suis fière de dire que j’ai été présente tout le long. Parfois en te serrant bien fort dans mes bras, tes petites mains s’accrochant à mon cou, parfois en serrant ta main tout doucement. Juste pour garder un contact rassurant.
Mais je crois que tu as toujours senti à quel point mon dévouement était fort, et à quel point tu pouvais compter sur mon soutien et surtout, mon amour. Notre amour. Parce que oui, ton père aussi a toujours été là. Je crois sincèrement que notre noyau familial tissé serré est responsable du succès de notre parentalité.
Quand tu es entré au secondaire, je savais que le temps m’était compté. J’ai eu peur que tu m’échappes. Jusqu’à ce que je comprenne qu’il était plutôt temps que tu t’envoles. Ton nid était encore tout près et tu y revenais toujours rapidement, parce que tu ne t’aventurais pas encore trop loin. Ça m’a brassé, mais j’ai réussi à traverser cette phase parce que je voyais ta personnalité se forger sous mes yeux et que tu m’impressionnais chaque jour.
T’as commencé ta 5e secondaire, j’avais déjà les yeux dans l’eau et je voyais l’horizon de ta nouvelle étape se pointer tranquillement. J’angoissais déjà un peu par en dedans. Ça se peut pas que le temps ait passé encore aussi vite. Je pense que je l’ai dit à tous les parents que j’ai croisés cette année : “Profitez du temps que vous avez avec vos enfants. Rien n’est plus important que ça.”
En novembre, nous avons commencé à courir les portes ouvertes des cégeps. Regarder la liste des programmes offerts, les équipes de football, les installations, les commodités des alentours. On a eu des coups de coeur, des déceptions. T’as reçu des offres des régions éloignées, t’as été flatté de cette attention dirigée vers toi. T’as pris le temps de réfléchir, de peser les pour et les contre.
Je trouve ça tellement difficile de demander à un jeune de 16 ans de trouver sa voix. De faire une demande d’admission au cégep dans des programmes dont la description ne dit pas grand chose. Sans trop se connaître encore, dans un monde où tout change vite. Nos envies, comme nos désirs. Même si l’autoroute reste la voie la plus rapide, prendre quelques détours pour se perdre et en apprendre plus sur soi, c’est ok selon moi. C’est ce que je te souhaite même. Parce que rien n’est linéaire. Tu peux planifier les choses du mieux que tu peux, la vie t’attend toujours dans le détour quelque part pour te rappeler que tu ne décides jamais de tout à 100%.
Après un long temps de réflexion, tu as fait ton choix. Pas nécessairement celui que j’aurais fait pour toi, je te l’avoue. Mon instinct de mère voulait encore et toujours te protéger. Contre le stress, l’épuisement, les longues heures que tu allais passer sur la route. Contre les mauvaises raisons qui auraient pu justifier ton choix et ce, même si tu affirmais savoir ce que tu faisais. Dans ma tête, même si j’étais immensément fière de ta prise de décision, j’avais encore tendance à sous-estimer ton jugement. Mais cette fois, je n’avais pas le choix de te faire confiance. C’était ton avenir. Ton choix, ta vie. Ta demande d’admission était envoyée, restait à voir ce que la suite te réservait.
J’allais maintenant me contenter d’un rôle d’observatrice. Prête à t’aider en cas de besoin et surtout, à te tendre les bras et la main si tu me le demandes. Je ne te garantis pas que ce sera facile. Tu me connais. Je suis la plus grande mère poule du monde et t’es le centre de mon univers. C’est difficile pour moi de voir mon rôle de mère évoluer. Même si on reste une mère pour la vie, toi et moi on sait qu’un jour, je ne serai qu’une personne à contacter parce que ça fait un petit bout que tu ne lui a pas parlé. J’ai confiance qu’on sera toujours proches, que la vie ne t’arrachera pas à moi sans que j’aie eu le temps de me préparer comme il faut.
Je donnerais cher pour revenir en arrière. Je ne ferais rien de différent, mais j’en profiterais juste encore plus. Ou j’inventerais une machine à arrêter le temps.
*Pour ceux et celles que ça intéresse, il a fait sa demande d’admission au collège Ahuntsic en technique d’intervention en criminologie. Et il fera partie de l’équipe de football des Aigles dans la brigade défensive. #mamanfière