silence radio

Silence radio, partie 1 ; Oser sortir de ma longue pause d’écriture et me remettre en question

Je suis autrice permanente pour Folie Urbaine depuis 2021. J’en profite pour remercier mille fois Jennifer pour sa douceur, son accueil et sa compréhension. Depuis mai 2022, je ne lui ai offert aucun article. Silence radio. Jusqu’à tout récemment, j’arrivais difficilement à m’expliquer les réelles raisons de ce silence.

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J’ai eu envie d’aller lire la bio que j’ai écrite pour me présenter lorsque j’ai débuté en tant qu’autrice. Surprise : elle ne résonne plus complètement avec moi, aujourd’hui. Elle était très vraie à l’époque et elle est loin d’être fausse à ce jour. Toutefois, en lisant ma bio, j’observe bien que mon rôle d’aidante et de travailleuse sociale prenait beaucoup de place. Je me suis présentée comme cela dès le départ. Ma liste de passions débutait aussi par la sphère professionnelle, soit ma passion pour mon métier, pour l’être humain, pour aider. J’avais expliqué que le fait d’écrire et que les arts étaient mes exutoires, car cela me permettait de « dénoncer des sujets qui ne devraient être tabous, de transmettre certaines de mes connaissances, de faire vivre des émotions et des questionnements, de partager un point de vue ». À la toute fin de ma bio (seulement à la toute fin), j’ai mentionné que ça me permettait aussi de « laisser aller mon ressenti, sans barrière ».

Quand j’ai lu cela, tout a pris plus de sens. Je comprends pourquoi j’ai pris une aussi longue pause d’écriture. Mes motivations avaient changé au fil des années et je m’étais moi-même bâillonnée. Aujourd’hui, je ne veux plus être silencieuse. Je souhaite parler de ce qui m’a amené à ne plus oser écrire et à remettre certaines choses en question.

Avant d’être publiée publiquement, j’avais mon propre blogue. Écrire a toujours été mon exutoire. En premier lieu, c’était pour évacuer les souffrances que je vivais moi-même. J’osais les partager via mes propres plates-formes, parce que la majeure partie des gens qui avaient accès à mes textes me connaissait personnellement et me connaissait très peu dans mon rôle de TS. Quand j’ai commencé à écrire pour un public plus large, j’ai commencé à me censurer. J’ai opté pour utiliser la communauté et l’espace public qu’on m’offrait « à bon escient », afin de faire de l’éducation et déstigmatiser certains sujets. Je souhaitais continuer à parler de moi, mais moins personnellement, surtout pour démystifier certains aspects du rôle d’aidante. Contrairement à bien d’autres métiers, notre propre santé mentale est notre seul et unique outil de travail. On nous dit souvent que « tout part du client, de la personne aidée ».C’est le cas pour la couleur et la direction que prendra le chemin que nous emprunterons, puisqu’il appartient au client, mais j’ai envie de dire que beaucoup de choses partent aussi de l’aidant. Ce n’est pas négligeable : nous nous offrons corps et âme devant notre clientèle et cela peut parfois être fragilisant. Nous nous exposons aussi, dans toute notre humanité. Dans toutes nos connaissances, mais aussi toutes nos émotions, nos propres blessures qui, parfois, résonnent avec celles que nous côtoyons tous les jours. Nos propres croyances limitantes, nos propres traits de personnalités, nos propres limites, etc.

Je croyais qu’utiliser ma plate-forme à des fins d’éducation me suffirait, mais je me mentais à moi-même et ça me permettait de fuir bien des choses. Depuis 2020, j’ai vécu beaucoup d’épreuves. Quelques-unes étaient liées à ma vie professionnelle, mais la majorité est liée à ma vie personnelle. J’ai, entre autres, fait face à une rupture difficile, une remise en question personnelle de mon fonctionnement, de la violence, une crise familiale, etc. Et je me suis tue. Je n’ai pas osé écrire publiquement ce que je vivais, car ça n’allait pas dans le sens de la mission que je m’étais donnée en commençant à écrire pour des blogues ayant une communauté plus vaste. Une mission professionnelle. Ça a fait en sorte que j’ai cessé de me permettre de déposer sur papier mes vulnérabilités et d’utiliser ce médium pour prendre soin de moi personnellement.

J’ai donc hésité à publier ce texte actuel et ce n’est pas par peur du jugement, au contraire. C’est bien parce qu’au fond de moi demeure encore une fausse croyance toxique qui m’amène bien des enjeux : « Tu ne peux pas être une bonne aidante et maintenir ce rôle solidement si tu as besoin d’être aidée et que tu partages tes difficultés. »

Je n’ai rien osé publier sur ce que je traversais et sur ce que je traverse encore, par honte de ce que j’avais vécu.

Que ça me soit arrivé à moi.

De ne plus arriver à être seulement aidante.

Bref, je me suis bombardée moi-même de tous les préjugés et fausses croyances que je défais passionnément chaque jour envers la santé mentale.

Je n’ai rien osé publier sur ce que je traversais et sur ce que je traverse encore, par peur d’être perçue différemment.

Que le regard de mon entourage envers moi change.

Que les gens m’étiquettent comme ayant vécu cela.

Des impacts sur mon entourage.

De les ébranler, les blesser, leur infliger des émotions négatives en lisant certaines choses.

Je ne souhaite à aucune personne que je rencontre de porter ces fardeaux-là. Et je vous jure que je le pense quand je leur dis que de les porter n’a pas de sens. Sauf quand c’est moi qui les porte, ces fardeaux-là, t’sais. Pour toutes les raisons mentionnées précédemment, il m’était inconcevable de vous partager les petits bouts de moi plus abimés. Parce que, malgré le fait que j’ai vécu certaines épreuves auparavant, je ne me suis jamais sentie aussi vulnérable et fragilisée que dans les 3 dernières années. Et ces feelings-là, j’ai bien du mal à les assumer, à les démontrer à mon entourage et il m’était encore moins concevable de les fronter publiquement. Mon armure à moi, c’est de paraitre forte en tout temps. Je trouve, au plus profond de mon être, que c’est menaçant et insécurisant d’avoir besoin. Besoin de soutien, des autres, d’une pause… besoin, point. Mais aussi, de montrer que je souffre. Je suis profondément inconfortable et, je dirais même terrifiée d’exposer aux gens à quel point et pourquoi je peux, moi aussi, souffrir et être vulnérable.

Mon rôle d’aidante était déjà le rôle principal auquel je m’identifiais. Écrire publiquement et partager la manière dont je le concevais l’a renforci. Pour la toute première fois de ma vie, j’ai remis en question une très (trop) grande partie de mon identité. Avant toute chose, je dois normaliser que je vis moi-même la réalité de ces deux rôles trop souvent vus comme opposés.

Je suis bien placé pour savoir à quel point prendre soin de sa santé mentale peut être challengeant. Mais le vivre… ouf. Une thérapie ou débuter une démarche psychosociale, ça peut être rushant en maudit, mais ça vaut toutes les étapes à traverser. Je viens de terminer ma énième séance de thérapie et j’ai ressenti un besoin urgent de sortir des mots de ma tête, de mon chest. Je souhaitais commencer en vous parlant de mes propres contradictions : ma vision si empathique de toutes les personnes que j’ai rencontrées dans le rôle d’aidée, versus ma vision (pas mal moins bienveillante, on va se le dire) de moi-même dans ce même rôle.

Je vais prendre le temps de trouver les mots avec lesquels je suis confortable pour vous partager des petits morceaux fragilisés de moi et je le ferai. Pas pour vous, mais pour moi. Pour sortir une bonne fois pour toutes des préjugés que je porte envers moi-même et aussi, surtout, de cette honte-là qui m’étouffe encore un peu.

Je vous reviendrai donc avec la partie 2.

Vanessa Signature
Math réviseure

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