les nuances

Parents en vacances, enfants à la garderie – les nuances

Il y a maintenant 4 ans, j’ai écrit ce texte. Un billet de blogue qui dénonce le fait que certains parents n’offrent pas de vacances estivales à leurs enfants. Un texte dur, sans nuances.

Probablement mon article le plus controversé à ce jour.

J’ai reçu un grand lot de commentaires, mais surtout mes premiers commentaires haineux. Il y a même une maman qui a fait des recherches sur moi afin de trouver les coordonnées de mon employeur pour entrer en communication avec lui pour dénoncer mon article et leur demander de me renvoyer!

Heureusement, il y en a eu beaucoup plus de positifs, provenant majoritairement d’éducatrices, d’enseignantes, de personnes œuvrant dans le milieu qui me félicitaient de dénoncer cette situation qui est encore à ce jour d’actualité. L’article a été partagé sur plusieurs groupes d’éducatrices, j’ai reçu une quantité incroyable de témoignages venant corroborer ce que je dénonçais. Encore aujourd’hui, je suis très fière de cet article et je le défendrai jusqu’au bout.

Mais j’avoue que j’ai été un peu sous le choc par la vague de controverse que ce texte a suscitée. Je m’attendais à des réactions, mais peut-être pas aussi intenses. Avec le recul, je réalise que bien que je ne changerais pas un mot à celui-ci, il y manquait peut-être quelques nuances.

J’ai souvent eu envie de repartager l’article au cours des 4 dernières années. Question de voir s’il allait susciter autant de controverse, mais j’avoue avoir manqué de courage pour faire fasse aux mauvais commentaires qui auraient pu resurgir encore une fois.

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis, j’ai notamment quitté le monde de la petite enfance après 19 ans de loyaux services. J’ai d’ailleurs aussi écrit un texte poignant sur les raisons de mon départ.

Même si je fais quelque chose de complètement différent aujourd’hui, je me considère encore et toujours comme une éducatrice. Je continue de lire les publications sur les différents groupes, les positives comme les négatives. J’ai toujours à coeur qu’on reconnaisse et valorise encore plus cette vocation qui passe encore trop souvent sous le radar.

Mais aujourd’hui, je me permet de rectifier le tir et de tenter d’ajouter les quelques nuances qui manquaient à mon texte de l’époque.

Je ressens toujours un amour profond pour les enfants. Si j’ai voulu dénoncer le fait que certains n’ont jamais de répit, de vacances, c’est parce que je sais à quel point ça peut être fatigant pour eux. Qui de mieux placée qu’une éducatrice pour savoir que de passer 40 heures par semaine dans un lieu où il y a constamment du bruit, ça devient difficile pour la concentration. Que d’être toujours dans un cadre où, bien que ce soit accueillant et créatif, tout est réglé au quart de tour, c’est épuisant au bout de plusieurs semaines complètes.

Je sais que certains parents se sont sentis jugés par mon texte. Qu’ils ont eu l’impression que je voulais leur faire la morale et les culpabiliser. Bien qu’un peu moralisateur je l’avoue, mon texte se voulait avant tout une façon, un peu maladroite j’en conviens, de mettre l’accent sur l’importance d’offrir ne serait-ce que quelques jours de congé aux enfants chaque année.

Par contre, une chose demeure. Les constats dénoncés dans le texte ont bel et bien eu lieu et je ne peux les ignorer. Je ne pouvais laisser ces situations se passer sans rien dire. Et 4 ans plus tard, je lis encore de manière hebdomadaire sur les différents groupes d’éducatrices que ça n’a guère changé. Mon coeur se serre à l’idée qu’encore aujourd’hui, certains enfants passent 52 semaines par année à la garderie sans aucune journée de congé à la maison ou sans une toute petite semaine de vacances en famille. Et j’en suis toujours aussi indignée, je l’avoue.

Parmi les commentaires négatifs que j’ai reçus, plusieurs m’accusaient de les juger. Juger les réalités différentes de la mienne. Juger leurs choix, leurs façons de voir la parentalité. C’est correct, avec le recul, je peux comprendre que certains se soient sentis ainsi. Je pense que personne ne peut se vanter de n’avoir JAMAIS porté de jugement. Mais je tiens quand même à rappeler que c’est avant tout le bien-être des enfants que je voulais mettre au premier plan et non donner des leçons aux parents. Si le chapeau te fait, mets-le. J’ai souvent eu l’impression que ceux qui réagissaient le plus fort étaient ceux qui se sont sentis concernés.

Encore aujourd’hui, je ne conçois pas qu’on puisse préférer laisser son enfant à la garderie pendant ses vacances plutôt que d’être avec lui. Pas de nuances à ajouter ici, n’en déplaise à ceux qui espéraient avoir une absolution et qui voudraient se déculpabiliser. Un enfant, pour être heureux et épanoui, a besoin, selon moi, d’un équilibre sain entre le temps passé avec ses parents et celui passé ailleurs. Un temps de repos est nécessaire pour recharger ses batteries et être à son plein potentiel. Même la garderie la plus tranquille ou la plus calme du monde ne remplacera jamais une journée passée dans le confort de sa maison, à simplement profiter de la présence d’au moins un de ses parents.

La petite enfance passe EXTRÊMEMENT vite. Je le sais, je suis maman d’un ado de 17 ans et je payerais très cher pour revivre des petits bouts de son enfance. J’ai beau ne jamais l’avoir envoyé à la garderie lorsque j’étais en vacances, de l’avoir amené avec moi partout, tout le temps, j’ai toujours l’impression que je n’ai pas assez profité de sa petite enfance. C’est ce que je dis maintenant à toutes mes connaissances et à tous mes amis.es qui ont des enfants : profitez-en au maximum. Ces semaines de vacances que vous ne passez pas avec vos enfants, elles ne reviendront jamais.

Plusieurs facteurs ont contribué à me faire aimer mon métier d’éducatrice, mais plusieurs ont également contribué à éteindre la flamme qui m’allumait. Et ils continueront d’éteindre la flamme de plusieurs autres éducatrices. Plusieurs continueront de dénoncer certains comportements problématiques et ce ne sera certainement plus moi qui le fera maintenant.

Mais je tenais quand même à émettre des nuances. Parce que dans la vie, rien n’est tout blanc ou tout noir.

Si j’ai froissé certaines personnes il y a 4 ans, je m’en excuse. Est-ce que je le regrette? Non. Je le répète, mais je ne changerais pas un mot au texte original. Mais j’aurais pu dénoncer les choses de manière plus douce.

Cependant, j’espère que les nuances arriveront à atténuer un peu mes propos. Et à être mieux comprise par les parents qui m’ont lancé des roches.

Sur ce, je redonne le flambeau à mes collègues éducatrices, heureusement qu’il en reste plusieurs d’assez fortes pour le tenir à bout de bras.

N’éteignez pas leur flamme. Elles sont précieuses.

Jennifer signature

2 Comments

  • Karen Coffman

    Yes, yes et yes!! Même chose pour moi! J’ai quitté le monde de CPE pour ces raisons entre autres, mais j’étais tannée voir des enfants passer tout leur temps à la garderie et voir des parents ne pas sembler vouloir passer du temps à connaître leurs enfants. J’étais tannée d’entendre l’enfant qui pleur parce qu’il veut passer du temps avec leurs parents et le parents dire “je n’ai pas le choix, mon amour” Ah non? Tu n’avais pas le choix d’avoir des enfants? Ouf, dur ça. Tu n’avais pas le choix d’accepter l’emploi que tu as qui te demande trop? Étrange. Tu n’as pas le choix de prendre tes vacances sans ton petit amour? Wow, t’es un esclave! “Mon enfant est mieux ici, m’a dit un parent, ici il y a de l’air climatisée” Ah, oui, sûrement c’est ce que l’enfant de deux ans se dit, lui aussi. “Décrisse ma et pa, chuis dont ben icitte!” Pis 17 ans après ces même parents se demandent pourquoi ils sentent ne pas connaître leur enfant “Il est distant, il ne me parle pas. On ne se comprend pas!” Ah non? Étonnant. Pourtant, pour connaître quelqu’un, ne faut-il pas passer de temps avec eux? Tu penses qu’ils veulent passer du temps avec vous? Ha, ils vous font la même chose que vous leur avez fait tout petit, pas étonnant. Ok, moi aussi j’y vais un peu fort, mais pour faire un parallèle, une personne ne va pas se procurer un champ, le laisser là sans trop s’en occuper, et après, se demander pourquoi il n’y a que des mauvaises herbes qui poussent… et même si une garderie est formidable, ce n’est PAS reposant!!! Tu le dis si bien, qui accepterais un emploi avec 0 vacances, même si c’est un emploi formidable!? Ok, tu as déjà tout dit, et je m’excuse pour ces parents qui se sentent visés et coupables. Ce n’est pas le fun. Et le regret c’est un gros sentiment. Et sentir comme on a mal choisi avec nos enfants, ça fesse! Je le sais, pour d’autres choix que j’ai faits! Ouch! Mais le nombre d’adultes et de personnes âgées qui m’ont dit, lorsque j’avais de petits enfants “profitez-en maintenant, pendant qu’ils sont petits, ça passe si vite!” Peut-être qu’ils n’avaient pas tort, et peut-être qu’ils ont un peut raison! Soyez pas fâchés. Soyez reconnaissants et faites-le avant que tu soies vieux et plein de regret et dise la même chose !

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